Mia madre
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le 10 janv. 2017
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La relation entre une mère et son fils fascine depuis de nombreuses années les cinéastes. La dernière sélection cannoise n’échappait pas à cette singularité avec le dernier opus de Xavier Dolan mais surtout, celui de Marco Bellochio dans lequel ce lien prend un caractère mystique.
Massimo a perdu sa mère quand il avait dix ans. Elle a disparu un matin hivernal et n’est jamais réapparue si ce n’est sous forme des songes de ce petit bonhomme qui ne parvient pas à oublier celle à qui il n’a pas pu dire en revoir.
Car il est parfois trop dur de dire une vérité sans appel à un enfant de cet âge, personne n’a dit à Massimo où était sa mère. C’est finalement un prêtre qui, sous la forme d’une fable biblique, lui a annoncé qu’elle ne reviendrait pas. Plutôt que de l’imaginer seule, dans une boîte en bois, Massimo l’a longtemps imaginé partie à New York, loin de lui certes, mais pas hors d’atteinte. Et puis, il a fallu grandir, et mettre des mots derrière ce vide, vécu comme un abandon. Ce sera une crise cardiaque foudroyante, un arrêt du cœur, comme si à force de trop aimer les siens, le muscle avait lâché.
Cet être inoubliable et donc inoublié hante un Massimo adulte que Marco Bellochio suit sur plusieurs années, et plusieurs épisodes au gré desquels résonne ce drame d’enfant dont il n’a pu entamer le deuil. Il s’agit de la photo d’une mère, foudroyée par les balles, dont le fils joue à un jeu video, comme s’il pouvait rester imperméable à une réalité proche mais qu’il ne verrait que de biais. Il s’agit du coup de feu que tire un homme pour mettre fin à sa vie, sans prévenir, après que des carabinieri aient interrompu sa discussion nocturne avec Massimo.
Massimo ne met pas de mots sur cette douleur. Il préfère y voir une maladie de cœur liée à des crises d’angoisse. Si rien n’est vraiment tu, rien n’est vraiment dit, comme si chacun s’attendait à ce qu’un Massimo adulte comprenne de lui-même ce qui s’est caché derrière ce départ. Le père de Massimo a préféré combler le vide de cette absence par le bruit et la ferveur du calcio ou la présence physique d’une nourrice qui ne sera jamais ni sa femme ni une mère. Cet homme brisé est l’autre figure du film. Une figure pathétique qui sait tout mais ne peut rien dire à cet enfant qu’il aime peut être trop pour lui avouer que, comme le buste de Napoléon que son fils a jeté un jour par la fenêtre, sa mère a sauté, sans prévenir...
Comme le lui confesse sa marraine à la fin du film, « Je pensais que tu savais »… un enfant devine t’il ce genre de chose ? Cette chose d’ailleurs qui n’est jamais vraiment assumée mais se matérialise par la lecture d’une coupure d’un journal de l’époque : « Une mère de famille désespérée par sa maladie s’est jetée du 5ème étage. La famille n’a pas eu le courage de le dire au petit Massimo, 10 ans, qui dormait au moment du drame ».
Massimo a ainsi pu rêver sa mère pendant 35 ans, il l’a glorifié, l’a espéré, a essayé de s’en éloigner sans jamais l’oublier. Cet homme pudique n’a jamais totalement comblé ce manque. Comme un symbole, il faudra finalement attendre la mort de son père pour dire en revoir à cette femme et donner une place à une autre. Cette mère devient un souvenir ; un joli souvenir d’enfant qui n’a pas pu s’en construire d’autres, faute de temps passer avec ceux partis trop tôt.
Créée
le 8 janv. 2017
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