Une chose toujours sûre avec Jodo, c’est que visionner un de ses films, qu’on n’aime ou qu’on n’aime pas, le constat est le même : il ne laisse jamais indifférent.
Pour le cas de Fando et Lis, c’est encore plus particulier que de coutume (oui je sais, la filmographie de Jodorowsky est déjà particulière en général et le bonhomme aussi...) car c’est le premier film (officiel) du cinéaste.
Fando et Lis, c’est l’histoire de deux héros, donc Fando et Lis, à la recherche de la cité perdue et miraculeuse de Tar, qui ne trouveront sur leur chemin que folie et corruption.
Dans le fond, c’est un film qui montre la recherche d’un bonheur impossible, la quête désespérée de deux amants que rien n’arrête (l’homme trimbalant sa dulcinée handicapée sur un chariot pendant toute la durée de son périple) et qui en oublient finalement de vivre, connaissant une fin aussi pathétique que tragique.
Bénéficiant d’une narration particulière et originale, découpée par segments auréolés d’images mystiques qui font penser que ce film est avant tout une fable, un conte avant-gardiste, Fando et Lis est avant tout un film métaphysique et métaphorique, se situant à une époque indéterminée dans un pays indéterminé, empli de références bibliques et mythologiques et ponctué d’images fortes au sens parfois flou...
...Et c’est ici qu’on entre dans la forme du film, qui ne lui rend pas justice.
Alejandro Jodorowsky a dit être "vierge" avant de tourner ce film, c’est-à-dire qu’il ne connaissait rien des termes techniques ou du sens de la mise en scène d’une œuvre cinématographique. Ces lacunes, additionnées à la vision du monde du cinéaste aussi peu conventionnelle et son style surréaliste, eh bien ça donne au final un OFNI complètement barré dont on comprend pourquoi il a déclenché des émeutes et rendu fous les gens lors de sa projection en salles.
On a droit pendant une heure et trente minutes à des passages complètement dingues et ambiguës, des personnages aussi loufoques que les situations incompréhensibles dans lesquelles ils se mettent. Que ce soit ce piano qui brûle, ces gens bizarres faisant une orgie dans de la boue ou ces vieilles accrocs aux fruits (ou était-ce autre chose ?) jouant au bowling avec Fando pendant qu’une autre femme le fouette, etc, etc... Il est impossible et formellement déconseillé (pour votre santé mentale) de chercher un quelconque sens à ce déferlement d’images parfois osées jusqu’à la limite (le film est tout de même sorti en 1968, les critères de provocation n’étaient pas les mêmes qu'aujourd’hui) et d’être assez ouvert d’esprit, je dirais même un peu agité du bocal, pour supporter durant 90 minutes cette débauche de...ben de...en fait de je ne sais quoi.
Fando et Lis est en même temps une œuvre assez dégueulasse et plutôt poétique, aussi nulle à gerber que visionnaire et culte, un pilier du cinéma avant-gardiste complètement WTF et terriblement original, une mascarade et un récit spirituel dense et délirant. Et comme tout film d’Alejandro Jodorowsky, c’est une expérience cinématographique à vivre au moins une fois (et vaudrait même mieux qu’une seule fois) dans sa vie, car elle pose les bases des films suivants de ce cinéaste déjanté à contre courant des productions classiques qui eux, par exemple El Topo et La Montagne Sacrée pour citer les plus reconnus, seront des pépites de bien meilleure qualité dont la popularité et le statut culte est toujours d’actualité. Mais il fallait bien commence quelque part, même pour Jodo.