Attention, intimité avec le sujet préférable.
Ce film est une sorte d'essai de Fellini sur sa ville, la ville italienne par excellence - Rome. Après un générique sobre et le thème principal, très recueilli, de Nino Rota, on ouvre sur une borne milliaire et un flashback de sortie scolaire où on fait traverser le Rubicon à des écoliers italiens. S'enchaînent quelques séquences sur l'école fasciste et la découverte de ce divertissement populaire qu'est le cinéma. On enchaîne sur l'arrivée du jeune Federico à Centrale Termini, puis dans un immeuble romain - incroyable plan-séquence enchaînant les saynettes des différents habitants, morceaux d'humanité qui s'enchaînent à un rythme frénétique. Et la scène de restau de rue, qui fait carte postale - volontairement. Après une brève séquence sur les rues désertées, où ne reste qu'une prostituée, on enchaîne sur une équipe de tournage qui veut prendre l'arrivée à Rome vue depuis la voiture. Mais on suit bien moins les images tournées que les choses vues depuis la voiture (un car de supporters de Naples, des embouteillages alors que la nuit tombe, une manif...). Après un bref passage sur les cars de touriste, Fellini décide que ce qu'il voudrait montrer de Rome, c'est une soirée de music hall au vieux théâtre Barafonda. Divers numéros musicaux se succèdent sous les interventions goguenardes du public, jusqu'à ce qu'un raid aérien interrompe tout. L'équipe de tournage suit ensuite les responsables du creusement eu métro de Rome, qui explique la richesse stratigraphique. Ils tombent sur une riche domus romaine, ornée de fresques superbes, qui attendaient dans l'obscurité, mais qui disparaissent en quelques minutes sous la calcite. Transition vers les bordels de Rome : on voit d'abord un bordel à soldats, puis un bordel plus classe. L'idée étant que c'est toujours le même fonctionnement. Enfin, on suit la princesse Domitilla, issue de la vieille noblesse romaine, à une mystérieuse réunion où préside un cardinal. Cela s'avère être un défilé de mode ecclésiastique particulièrement bouffon, qui se termine par l'apparition du Pape, comme une araignée monstrueuse. On termine sur une place de Rome, dont les hippies (un leitmotiv) sont chassés pour la grande joie des bourgeois. Dans une dernière séquence, une horde de motards traverse Rome de nuit et passe par tous les lieux les plus emblématiques : pont saint-Ange, fontaine de Trevi, Colisée, etc... avant de disparaître dans le noir.
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Au diable le narratif, donc, mais pour autant, le film n'est pas un documentaire. Si les acteurs qui jouent les Romains regardent parfois la caméra comme si elle les dérangeait, on a bien ici affaire à une oeuvre de fiction, une déconstruction du mythe de Rome plutôt qu'un essai, dirais-je. Autant dire que je regrettais de ne pas parler couramment italien pour suivre toutes les chansons, et sans doute les mille et une allusions cachées. Autant dire aussi que celui qui n'a pas un minimum d'intimité avec la cité de la Louve risque de s'ennuyer un peu.
Il n'empêche, Fellini est un vrai diable d'homme. On est ici dans le morceau de bravoure : ramener à la vie des souvenirs personnels. Dommage peut-être que l'auteur n'ait pas essayé de lier un minimum son matériel, car s'il y a des transitions, il n'y a pas vraiment de fil rouge, et l'on dit que le film aurait pu durer 2 h de plus sans grands dommages.