Boulimique de Rome, sa ville, Fellini a décidé de nous en montrer toutes facettes en un seul regard, comme dans un tableau cubiste ou dans le rêve fou d'un surréaliste génial. Construit selon la logique particulière de l'écriture automatique, "Fellini Roma" entrechoque donc les époques à travers les souvenirs truculents du maître. Brouillard et poussière enrobent tout d'une couche de nostalgie, les statues s'estompent dans la brume, les fresques s'effacent dans un souffle (sublime scène, inoubliable, de la construction du métro)... Rome est pour Fellini le royaume théâtral de l'illusion, où le cinéma, la politique et l'Eglise se tiennent par la main en une ronde folle, et lui se rêve en démiurge mégalomane, puisant son imagination à la source même de ses fantasmes. Ultime et superbe hommage : une image fugace d'Anna Magnani, figure définitivement tragique d'une époque mythique, révolue... [Critique écrite en 1981]