De Palma arrive dans ce film au bout du bout du maniérisme. Libéré des contraintes hollywoodiennes, il s'adonne au cinéma qu'il aime, c'est-à-dire ostentatoire, érotique, toujours à la limite de la vulgarité la plus insupportable mais sans jamais y tomber vraiment, et complètement débarrassé d'un quelconque "fond" pour être entièrement dirigé vers la pure jouissance formelle gratuite. ll est clair, et l'on s'en rend compte très vite, dès les premières images, que De Palma se fout complètement du scénario et de la vraisemblance de son film. Le hold-up cannois qui occupe les 20 premières minutes du film est ainsi un pur prétexte pour filmer une scène saphique ultra-chaude et distiller un suspense jubilatoire. On pourrait croire après ça que le film se calme, que nenni ! Chaque scène devient un morceau de bravoure filmique qui ne s'embarrasse absolument pas de la cohérence de l'ensemble. Tout est dans la jouissance de l'instant. Le scénario ne tient pas la route, les acteurs sont mauvais, on s'en fout ! Dans les bonus du DVD, à la question "pourquoi aller voir ce film ?", on peut entendre Rebecca Romijn répondre "Parce que c'est De Palma !". La mise en scène est en effet la seule chose qui compte dans ce film, mais elle vaut le coup ! Steadicam, split-screens, ralentis... De Palma, comme à son habitude, ne fait pas dans la dentelle, mais quel pied ! Le divertissement est purifié de tous ses ornements bienséants : Femme Fatale ne parle de rien, n'offre un point de vue sur rien d'autre que le cinéma, envisagé comme pure jouissance, réflexive mais pas du tout intellectualisée, car entièrement tournée vers le spectateur, qui n'en croit pas ses yeux.
Somme toute, Femme Fatale ressemble à un téléfilm de prime-time, mais avec un vrai cinéaste derrière la caméra. Un cinéaste qui en arrive jusqu'à faire oublier l'incroyable vulgarité de son imagerie, le machisme de ses fantasmes (voir la séquence où, au ralenti, il filme, sans chercher à masquer sa démarche, le cul de Rie Rasmussen moulé dans son short militaire). Son film finit par sembler hyper-théorique tellement il est à la fois trivial et grandiose. C'est minable, mais c'est fascinant.