Fermer les yeux
7.1
Fermer les yeux

Film de Victor Erice (2023)

Voir le film

Il faut du courage ou de la passion pour se plonger dans ces trois heures d’introspection de Victor Erice. Non dénué de belles fulgurances, ce film testamentaire est trop long, trop autocentré et n’a que peu de chances d’intéresser un public au-delà d’un cercle de cinéphiles inconditionnels.

Miguel Garay (Manolo Solo) est un réalisateur vieillissant qui mène une existence retirée jusqu’à ce que ressurgisse une affaire qui a marqué sa vie : la disparition mystérieuse de son ami et acteur fétiche, Julio Arenas (José Coronado), survenue pendant le tournage d’un de leurs films inachevés. Fermer les Yeux prend dès lors la forme d’un voyage introspectif où le passé et le présent se mêlent, explorant les souvenirs, les blessures et les traces laissées par l’absence.

Le réalisateur Victor Erice est un cinéaste rare, jouissant d’une réputation de prestige chez les cinéphiles. Chacun de ses trois précédents films a marqué le paysage cinématographique. Âgé de 84 ans, le voilà de retour plus trente ans après son dernier long-métrage, Le Songe de la Lumière. Ce long hiatus a été parsemé de projets avortés, comme La promesa de Shanghai, auquel son dernier film fait directement écho. Plus qu’un écho, Fermer les yeux est un véritable autoportrait du réalisateur, qui se met en abime dans une réflexion sur le temps qui passe et les images qui restent.

Il n’est donc pas étonnant que ce film soit distribué en Suisse par la Cinémathèque Suisse, tant il s’adresse aux cinéphiles. Le problème, c’est qu’il risque de laisser à quai le public moins initié ou tout simplement celui qui ne serait pas forcément intéressé à voir un artiste filmer son nombril… pendant près de trois heures (!). Un peu comme Spielberg avec son Fabelman, Erice livre ici un film mi-portrait, mi-testamentaire, plombé par un dispositif qui n’a de cesse de s’auto-contempler. C’est dommage que la lourdeur de cette note d’intention vienne gâcher des idées et des aspects beaucoup plus réussis. En effet, la réflexion sur la différence entre la mémoire et la conscience, et comment l’art peut s’adresser aux deux, offre des pistes aussi prometteuses que vertigineuses. La composition des cadres aux décors dépouillés et les images aux couleurs froides donne une touche très élégante et singulière au film. Enfin, l’acteur Manolo Solo et ses faux airs de Marcello Mastroianni est particulièrement convaincant. C’est probablement grâce à lui qu’on parvient jusqu’au bout du film sans… fermer les yeux.


el_blasio
6
Écrit par

Créée

le 22 nov. 2024

Critique lue 9 fois

el_blasio

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur Fermer les yeux

Fermer les yeux
Plume231
8

Le Cinéma retrouvé !

On ne peut pas dire que Victor Erice nous ait ensevelis sous un nombre démesuré de longs-métrages au cours de sa carrière. En effet, il en a réalisé quatre sur une durée d'un demi-siècle, dont le...

le 23 août 2023

21 j'aime

11

Fermer les yeux
Teklow13
9

Le dernier regard avant de mourir.

Comme beaucoup de grandes œuvres dans l’histoire du cinéma, Cerrar los ojos est un film de fantômes. Pas le fantôme dans sa version fantastique. Le fantôme qui hante le plan par sa présence...

le 7 juin 2023

21 j'aime

3

Fermer les yeux
takeshi29
8

Cinema Milagro

En espagnol cinéma se dit Pelicula et c'est un des nombreux thèmes qu'aborde ce magnifique "Fermer les yeux". La pellicule, le projecteur, la bobine qui défile comme le temps, qu'on voit et dont on...

le 21 août 2023

14 j'aime

1

Du même critique

Don't Look Up - Déni cosmique
el_blasio
5

Don't Watch Up

Malgré un postulat malin et bien-vu, cette farce s’avère être finalement assommante et répétitive. Un casting prestigieux et beaucoup d’agitation pour pas grand-chose. Cela fait une vingtaine...

le 10 déc. 2021

74 j'aime

4

Jamais plus – It Ends With Us
el_blasio
5

La vie en pas si rose

Cette romance impose à son public le même phénomène que vit son héroïne : la dissociation cognitive. Des clichés à la pelle, un cinéma très illustratif, un scénario digne d’un roman de gare… pour...

le 14 août 2024

18 j'aime

Operation Fortune - Ruse de guerre
el_blasio
5

Mission: low-cost

Quand le roi du film thriller fun et malin nous propose une relecture de Mission : Impossible, on se dit « pourquoi pas ? ». Après le visionnage on se demande « pourquoi ? »Opération Fortune : Ruse...

le 9 déc. 2022

15 j'aime