Festen par toma Uberwenig
Après Les Idiots, on était en droit de se demander ce qu'allait devenir la charte de chasteté cinématographique sobrement appelée Dogma 95.
(rappel : pas d'éclairage autre que la lumière naturelle, pas de son ajoutés, tout en prise directe, pas de tricherie en post production... en gros)
Lars Von Trier avait donné dans l'excès de rigueur et offert un film subtil et étonnamment profond, mais bien entendu pas au goût de tous, véhiculant aussi bien tendresse que malaise, tour à tour sensible et violent, passionnant et hermétique.
La réponse qu'offre Thomas Vintenberg semble être "Roooh, allez, merde, on est pas à l'armée, quoi!".
Ce qui n'est pas au goût de Lars Von Grinch, évidemment, mais ceci est une autre histoire.
Focalisons plutôt sur cet excellent et improbable Festen.
A l'anniversaire de son père, et en présence de toute la richissime famille de ce dernier, Michael décide d'exhumer quelques squelettes du placard via un discours qui donne du piquant à cette fête d'anniversaire.
Le ton est donné, cette comédie sera sombre, acide, sans compromis.
Michael se heurtera au déni de la famille, de sa propre soeur, mais trouvera malgré tout la force de continuer à travers le soutien du "petit personnel", notamment le cuistot, son ami d'enfance, ainsi que d'une jolie femme de chambre, amour de jeunesse.
Car oui, Festen est une digue Down the Memory Lane, where no stone is left untouched.
Donc Festen est plus "narratif" que son grand frère, plus léger aussi.
Vintenberg s'amuse même à détourner le sacrosaint Dogme en s'accordant le luxe d'un effet spécial, de quelques ralentis, et d'une séquence générique "habillée", tout fait bien entendu "à l'os", du générique filmé à travers de l'eau pour y insuffler du mouvement, à la belle scène surréaliste éclairée au briquet.
Il triche à peine, donc, pour un résultat des plus satisfaisant.
Car où est l'intérêt de poser des règles, sinon dans l'ingéniosité que l'on va devoir déployer pour les détourner ?
Là où l'intérêt des Idiots était de voir l'intensité dramatique, le propos émerger des marges, des interstices, et prendre le dessus malgré l'austérité de l'ensemble, Festen raconte une histoire de façon traditionnelle, en se pliant malgré tout aux limitations formelles imposée par le Dogma, et s'en tire avec les honneurs.
On rit, on angoisse, on vit ce film qui compense sa sobriété formelle par un violence dans le propos et un jeu de caméra immersif.
Les acteurs sont excellents, et le coté "caméra mouvante" nous implique nous aussi au sein de cette réunion de famille des plus tendues.
Reste que je suis assez content que ce Dogme n'ait pas fait trop école, et ne soit pas devenu un gimmick systématique de jeunes cinéastes en mal d'inspiration croyant recréer le medium en se scotchant un bras dans le dos.
Et je suis content que Lars Von Trier soit revenu à ses amours de jeunesse, à savoir croiser Tarkovski, Lynch et Selby Jr.