On est à Nancy. Les vacances d'été commencent. Sophie, dit Fifi, 15 ans, vit avec sa mère, son beau-père et ses six frères-sœurs dans un HLM. A part le temps d'un voyage scolaire à Paris, elle n'a jamais quitté sa ville. Bref, on est dans une famille de cassos, n'ayant jamais entendu parler visiblement des moyens de contraception, aux finances limitées. Mais, bon, les clopes sont des produits de première nécessité, donc petits larcins en supplément pour notre protagoniste. Un jour, elle croise par hasard une ancienne camarade de classe qui est d'un milieu aisé et s'apprête à partir pour un mois à la plage avec ses parents. Elle profite de l'occasion d'une invitation à boire un verre pour chourer les clés de la maison et, ainsi, pour pouvoir squatter quelques périodes de tranquillité et de confort, loin des cris et des différends chez elle. Mais, elle n'avait pas prévu que Stéphane, le grand frère de son ancienne camarade, allait occuper les lieux...
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Vous le sentez bien le misérabilisme lorrain arriver. Ouais. Le beau-père violent et ayant des intentions libidineuses sur ses belles-filles. Les séquences de violence et de hurlements au sein du foyer s'enchaînant à un rythme effréné les unes après les autres. Mais, heureusement, que la rencontre avec un type de milieu aisé, donc plus équilibré, plus intelligent, mieux installé, va la pousser à s'élever. Ouais, hein ?
Ah, bah non, fausse alerte. Le beau-père, on le voit peu, mais a l'air plutôt sympatoche. Il y a d'inévitables querelles avec tant de personnes dans aussi peu de mètres carrés, mais il y a aussi des petits moments de bonheur, d'affection et d'empathie. Quant à Stéphane, il se révèle, à sa manière, aussi paumé, ne sachant pas non plus trouver sa place dans le monde. A vrai dire, la force des choses a rendu notre héroïne plus mature. Elle se dévoue à ses proches, sans être trop autocentrée, sans trop réfléchir, naturellement.
Ouais, en fait les cinéastes Jeanne Aslan (qui s'inspire de son adolescence !) et Paul Saintillan filment les choses telles qu'elles sont, sans jamais se sentir obligés de nous pondre un conflit bien gratuit quand il n'a pas lieu d'être et tout en évitant de tomber dans une naïveté à deux balles.
Il y a un peu de L'Effrontée dans cette fille, venant d'un environnement modeste, ayant l'occasion de côtoyer une ambiance bourgeoise, sauf qu'elle sait conserver un esprit pratique (sa vision pessimiste du couple a, au moins, le mérite d'être réaliste, tout comme comprendre que ne pas avoir de père du tout est toujours mieux que d'avoir un mauvais père !). Cela emprunte aussi à Rohmer avec l'idée de départ de la jeune fille rencontrant d'une façon inattendue le grand frère d'une amie, dans une atmosphère estivale, le postulat d'une personne s'intégrant, du jour au lendemain, dans l'espace d'une autre.
On n'est pas dans le registre premier amour (même s'il y a un peu de cela, tout en ayant le mérite de rester en filigrane... le fossé entre les âges... et non pas celui entre les classes sociales... empêchant de débouler dans cette direction !) et apprentissage de la sexualité auquel on aurait pu prévisiblement s'attendre aussi. C'est surtout un récit sur un personnage qui, avec le recul du calme, prend conscience qu'il peut améliorer son existence (et parfois celles des autres !) par des petits riens qui sont tout, comme le souligne un joli final, et qu'il ne lui est pas interdit de vouloir atteindre quelque chose de différent.
Porté par une Céleste Brunnquell qui crève l'écran, Fifi avait tout pour s'annoncer comme un drame bien sordide et lourdingue, on en ressort avec une œuvre subtile et lumineuse.