Tout a déjà été écrit, lu et commenté sur Fight Club. Tout a déjà également été critiqué.
Film d'homme par excellence, ni les bonnes consciences de l'humanité ni les chiennes de garde ne trouveront de quoi satisfaire leurs exigences et leurs attentes au visionnage. Parce que Fight Club ne s'embarrasse pas de satisfaire son spectateur quel qu'il soit ; il n'attend pas de lui offrir ce qu'il attend sur un plateau. En fait : Fight Club ne fonctionne pas au fan-service. Et c'est très bien comme ça.
La force incontestée du film trouve son noyau dans son casting. Le duel improbable entre Edward Norton et Brad Pitt fonctionne à la perfection, tant leurs différences physiques, leur jeu et leurs personnages dessinent une symbiose complémentaire de plus en plus tortueuse au fur et à mesure que l'intrigue progresse. Pitt est impeccable de rigueur brute et pulsionnelle, quand Norton se fait violence et fissure le cadre de son jeu habituel, pour mieux incarner la figure du quidam-cadre sans histoire par excellence, dont l'existence vole petit à petit en éclat. L'immersion est complète, grâce à une mise en scène nerveuse et créative, regorgeant de plans subliminaux, de détails que les multiples visionnages révèlent, au fur et à mesure que la perception du spectateur face à l'œuvre s'amplifie. Car il serait dommageable de ne pas revoir Fight Club au moins trois fois, au risque de n'en distinguer qu'un angle de vue incomplet et restreint.
Faut-il également mentionner la bande-son des Dust Brothers à la fois discrète, marquante et marquée, les décors urbains asphyxiants et grisâtres, à l'image d'un récit tissé sur fond de XXe siècle mourant et décadent ?
L'impact émotionnel reste puissant, année après année. 17 ans après sa sortie en salles, le message n'a pas vieilli d'un iota. On ne compte plus les répliques marquantes qui jalonnent le film, la désespérance glaçante qui en émane et nous renvoie à notre propre quotidien, effectivement rempli de possessions matérielles à l'utilité souvent douteuse, et au confort pourtant bien inférieur à nos attentes perpétuellement insatisfaites. Il y a un avant et un après Fight Club, qui mérite amplement son statut de film culte, et ce bien au-delà de son aspect putassier abdos-fight-testostérone. On mentionnera également la présence remarquée d'Héléna Bonham Carter, capable d'imposer son je-m'en-foutisme rachitique au milieu des mâles avec un certain succès, loin de ses éternels rôles à répétition dans les films de Tim Burton.
Fight Club restera dans la postérité, et son visionnage régulier en guise de prescription contre les dangers consuméristes de l'ère moderne ne sera probablement pas inutile, pour l'avenir.
VF recommandée.