Fight Club, c'est un film qui ne se présente pas. Répliques cultes, concept simple et presque ludique. Puis cette violence à l'écran qui fait écho à une violence intérieur, cette catharsis comme on en fait plus !
En soi, ce n'est pas étonnant que le film se retrouve si souvent dans les top du site. Tyler est en chacun de nous, plus ou moins réveillé. Devant l'absurdité du monde, de nos vies rythmés par la consommation. Je travaille pour me payer un meuble Ikéa, je m'accomplis grâce à ce meuble, je me donne des objectifs mercantiles pour me sentir exister. Mais parfois, cette mascarade angoisse. Elle empêche de dormir et, dans l'insomnie, on se prend à rêver d'un monde plus physique. Un monde où on s'écoute, où on s'autorise à pleurer dans les bras l'un de l'autre.
Mais qui a ce droit ? Pas un cadre en bonne santé. D'abord il faut souffrir, être au bord de la mort. Avoir un cancer pour gagner la sympathie des autres. Partager la perte de sa virilité.
Pourtant, son angoisse, celle qui l'empêche de dormir la nuit, ce n'est pas une souffrance ? Ne sommes-nous pas tous en souffrance ?
Puisque son médecin n'est pas de cet avis, puisque la société s'en fout, alors il extériorisera cette souffrance par l'auto-destruction. Se détruire pour recréer du lien avec les autres. Catharsis.
La catharsis c'est quand un fiction propose un fantasme plus ou moins universel et qu'il l'emmène au bout, de façon à sortir la pulsion du spectateur. La catharsis commence quand la branlette du Fight Club se termine.
Oui c'est bien beau de se réunir dans la cave d'un bar pour se taper dessus mais ça ne rend pas vivant. L'angoisse est encore là, bien présente. Le bout du fantasme, c'est la fin de cette société oppressante. Un acte belliqueux. C'est l'union de nos mal-êtres contre celui qui la cause ; l'argent.
Le fantasme ne s'assume qu'à moitié. Après tout, la guerre, c'est mal. Il y a des dérives, des innocents au milieu, des conséquences graves. Edward Norton n'assume pas le bout de son fantasme et se désolidarise de Tyler. La situation lui échappe complètement et il quitte le mouvement.
Fight Club, quand on est jeune, opprimé, qu'on a eu une journée de merde, c'est un défouloir. Mais ce n'est pas la vie. Après tout, même si le film est dans le top 10 de beaucoup de gens, ils sont quand même mariés avec un CDI et tout le bordel. Parce que la pulsion doit partir.
J'avais entendu il y a un moment une critique un peu bizarre ; il n'y a que des hommes. Dans le Fight Club, dans les interactions entre les personnages. La seule présence est juste là pour "se faire tringler" et faire écho au mal être d'Edward.
C'est vrai, c'est plutôt un film "de bonhommes". Mais il n'y a pas d'enfants non plus et je ne pense pas que ce soit pour rien.
A la fin du film, le dernier plan où il tient la main de sa copine, c'est la suite. C'est ce pourquoi la société existe toujours, ce pourquoi on travaille. Quelqu'un avec qui on a une relation spéciale.
Quand la destruction est totale, Edward se tourne toujours vers l'autre et vers un rapport d'émotion. On va pas parler d'amour, ce serait complètement exagéré.
Maintenant, nous, en tant que spectateurs, c'est aussi ce qu'il nous reste. Notre frustration doit prendre fin quand on réalise que la fin de la société ne changera rien à notre mal-être. Mais qu'ouvrir la porte à l'Autre, pourquoi pas.
Ce qui me pousse à aller vers cette théorie, c'est quand je parle aux gens qui n'aiment pas Fight Club. Ce sont des gens qui ont passé le stade de la frustration. Les gens qui ont trouvé du sens à leur vie et qui, du coup, se sont libérés de l'angoisse de vivre.
D'ailleurs, même dans mon cas personnel, je n'aime plus Fight Club. Je le trouve niais, ridicule, rebelle du dimanche. Mais je n'ai plus 16 ans. Je contrôle ma vie, j'ai trouvé un boulot qui me plait, je suis mariée.
Bref, je n'ai plus besoin de cette catharsis et, du coup, elle ne peut plus marcher sur moi.