Le Roi pêcheur est certes un film de Gilliam plein de bons sentiments, où l'amour est triomphant (il est d'ailleurs le premier film américain du réalisateur), mais il n'en demeure pas moins original et décalé.
Le personnage principal, un cynique repenti joué par l'étonnant Jeff Bridges, nous apparait comme très humain sous des faux airs de dur à cuire. On comprend tout à fait son mal, rongé par le remords au sens fort. Le fou joué par Robin Williams est plus que convaincant et très vite touchant. C'est cette folie, cette perte des réalités qui amène un peu de rêve et de poésie au film, en contraste avec un Jeff Bridges alias Jack plus terre à terre, qui croit d'abord régler le problème à coups de dollars. Cette alliance de deux personnages opposés, un dérangé et un plus "normal", terre-à-terre, se retrouvera dans l'Armée des douze singes avec, respectivement Brad Pitt et Bruce Willis.
Le personnage de Lydia, joué par Amanda Plummer, avec sa touche de névrose et de maladresse qui lui donnent un charme particulier, frôle aussi cette folie, ici moins psychiatrique. Son histoire d'amour avec Parry, qui aurait pu s'avérer stéréotypé, est plutôt décalé. On sourit d'un amour idéalisé mené par deux fous maladroits. On s'étonne même que Lydia ne prenne pas peur lorsque Parry lui avoue qu'il la suivait en secret. Seul le personnage joué par Mercedes Ruehl alias Anne, me semble trop positif, trop "banal". Elle est une sorte de figure maternelle en même temps qu'une amante trop pleine de confiance en elle, dont la seule faiblesse semble être son amour pour Jack. N'oublions pas la présence notable du personnage du clochard travesti, très loufoque (qui m'évoque étrangement celui de Tokyo Godfather, film d'animation de Satoshi Kon sorti en 2003)
Notons l'obsession gilliamesque pour les chevaliers et le Moyen-Âge plus largement (Sacré Graal, Jabberwocky ou encore Bandits Bandits), ici présente sous la forme d'un cavalier poursuivant Robin Williams alias Parry, cavalier représentant le passé venu hanter ce personnage amnésique, et le château moderne où se tient un graal moderne.
L'histoire est celle d'une quête, celle d'un graal matériel pour Parry, graal qui représente le bonheur, mais Parry aura besoin pour l'atteindre d'en découdre avec son passé. Pour Jack c'est la quête d'un repentir, il doit se laver de son péché, effacer sa culpabilité en aidant Parry. Jack se purifie en s'ouvrant à l'autre. Les deux personnages finissent changés. Gilliam nous fait l'apologie de la folie, d'un certain recul par rapport à la vie.
L'ambiance est plutôt sombre, le film nous emmène dans les méandres d'une ville cachée où les pauvres doivent survivre et se font massacrer la nuit, en même temps qu'il nous emmène dans les méandres de la folie humaine (folie qui sera plus aboutie plus tard, dans l'Armée des douze singes, ou encore Tideland). Ce thème semble être très cher à Gilliam, qui aime nous exposer des clochards, des gens mis au ban de la société (Jabberwocky, l'Armée des douze singes, l'Imaginarium du docteur Parnassus).
Soulignons aussi les références aux autres films de Gilliam, comme les deux posters de Brazil et des aventures du baron de Münchhausen sur les murs du vidéoclub, et les prémices de ce qui sera plus tard l'Armée des douze singes dont l'atmosphère se ressent à l'hôpital face à des figurants dérangés mentalement.
Les bons sentiments viennent donc clore cette œuvre mais plus que neuneu, l'effet est presque jouissif. On ne sait pas trop comment tout cela va se finir à vrai dire, on a du mal à deviner où Gilliam veut nous mener et le final, plutôt touchant, ne s'attarde pas trop à nous émouvoir.
A voir pour les fanatiques de Gilliam comme moi, mais aussi pour les autres, un film pour passer un bon moment sans trop tomber dans la médiocrité d'un scénario usé. Accessible aux jeunes et vieux enfants.