Dans la partie pré-départ à la guerre, Bruno Dumont prend bien son temps. D'abord, dans l'exposition du cadre, la campagne flamande avec sa grisaille, ses chemins sur lesquels règne la gadoue, ses vastes champs avec ses parcelles de neige pas encore fondues. L'absence complète de musique (sur laquelle je reviendrai brièvement !) laisse entièrement la place aux sons environnants ainsi qu'aux bruits de pas sur de la terre gelée ou au contraire boueuse. Ensuite, dans la description des personnages, par leurs actes de la vie quotidienne et surtout par leurs relations, peu à travers les dialogues, beaucoup par les images et les situations ("show don't tell" dit le vieil adage !).
En voilà, une introduction idéale pour un film de deux heures et demie. Pas de bol, l'ensemble dure moins de 90 minutes. Parce que toute la suite ne sait pas prendre autant son temps, ne pas être aussi complet.
Une fois les personnages masculins arrivés au front, on alterne entre leur histoire et celle de la protagoniste féminine, rongée par la nymphomanie et par la difficulté à voir ses deux amants éloignés, devant faire face à elle-même.
Aucun des deux récits n'est suffisamment développé pour permettre à chacun d'étaler tout leur potentiel scénaristique et émotionnel.
Dans la partie guerrière, il est tout de même à mettre au crédit du réalisateur, une volonté d'éviter tout spectaculaire et tout épique. Cela transparaît notamment par l'absence complète de BO ainsi que par des séquences d'action des plus épurées en ne les étendant pas, en montrant juste ce qu'il faut pour comprendre ce qui se passe.
Par contre, l'hélicoptère comme deus ex machina à deux reprises (comme si c'était l'unique solution au monde pour sauver des soldats en perdition !), c'est de la fainéantise du point de vue créatif. Autrement, Dumont se contente de se faire succéder, sans prendre le temps de les mettre en contexte et de les creuser, les situations les plus atroces que l'on peut commettre lors d'un conflit armé, en piochant chez Cimino, Kubrick et De Palma. Oui, je parle de mise en contexte et d'approfondissement du fait que j'ai eu l'impression que nos Flamands se mettent à tuer et à violer en étant tout frais, le lendemain de leur arrivée sur le champ de bataille, sans l'exaspération, la lassitude, la peur et l'habitude qui sont pourtant des moteurs essentiels pour les pousser à faire tout cela.
Pour ce qui est de la partie de la jeune fille, nommée Barbe, restée au pays, sa plongée dans la folie est bâclée en deux-trois scènes, sa guérison en une ou deux, son pouvoir surnaturel (lui insufflant la capacité de connaître des choses impossibles à saisir si elle avait été normale !) en une précipitée sur la fin. À propos de cette dernière, c'est regrettable, car les mêmes extérieurs que ceux de l'ouverture, à travers l'ensoleillement ayant remplacé l'aspect sinistre, apportent un contraste idéal pour injecter une atmosphère poignante de bonheur retrouvé et plus fort qu'avant.
Ouais, le meilleur est sur le début pour cette œuvre bancale souffrant de ne pas s'étaler sur une heure de plus.