Adapté des mémoires parues en 1973 d'un ancien policier (Roger Borniche), nous voici en compagnie d'un excellent polar à la française, sans doute mon premier coup de cœur de l'année. Boum !
Il s'agit d'un film simple, carré, solide et efficace de la part de Jacques Deray qui signe ici son treizième long-métrage. C'est le sixième que je vois de ce réalisateur après « La piscine », « Borsalino », « Trois hommes à abattre », « Le marginal » et « Le solitaire » (dans le désordre).
C'est finalement 20 ans après la mort de Jacques Deray que je découvre donc « Flic Story ».
Tout d'abord, je tiens à dire que la mise en scène, au cordeau, est doté d'un montage fluide. C'est du solide calculé au millimètre et sorti tout droit ...d'un revolver. Bim !
Synopsis : dans les années 1940, Roger Borniche, un as de la crim' bossant au 36 quai des Orfèvres, doit mettre la main sur un détraqué échappé d'un asile psychiatrique. La traque peut commencer...
Rien qu'à lire mon synopsis, vous l'avez compris mes très chers spectateurs, ici pas de scénario complexe, voire même zéro complexe scénaristiquement.
En effet, c'est bien sur l'affrontement de nos deux têtes d'affiche françaises sur qui tout repose. Mais pas que ! Nous avons affaire à des trognes, enchaînant cigarettes sur cigarettes, digne du polar à la française. Encore merci au réalisateur Jacques Deray.
Le duel d'acteurs au sommet Delon/Trintignant tient toutes ses promesses. Et c'est même Trintignant (« Et dieu créa la femme », « Z », « Le fanfaron », « Vivement dimanche », « Amour »...) qui vole l'affiche à Delon ! Bravo Monsieur Trintignant.
Doté d'un charisme magnétique impérial, il endosse le rôle du malfrat, vénéneux à souhait, avec une froideur digne des plus grands. Avec son regard glacial, il est ce psychopathe qui joue de la gâchette uniquement pour tuer. Un rôle très froid et calculateur. Un tueur aux allures élégantes. Christopher Walken a sans doute été inspiré par Trintignant : je pense bien sûr à ses compositions dans « True romance » et « Pulp fiction », et plus particulièrement à cette présence poisseuse et classe sans mots dire. Quasiment mutique, Trintignant crève littéralement l'écran. L'une de ses meilleures compositions, sans aucun doute. Comment ne pas adhérer ? En ne le regardant pas !
A ses côtés, Delon, Alain Delon (« Plein soleil », « Rocco et ses frères », « Le samouraï », « Notre histoire » de Blier fils, « Une chance sur deux ». Ou quand 'le guépard' se transforme en 'lion' !) qui campe un commissaire Borniche, honnête, intègre, humain. Magistral, il incarne ici la classe à la française. Neuf collaborations avec Jacques Deray (dont « La piscine » et « Borsalino »), ici, leur cinquième film ensemble.
Ensuite, une galerie de gueules pour des seconds couteaux affûtés. Les inévitables et la crème des années 1960-70 :
Renato Salvatori : « Le pigeon », « Le casse », « Etat de siège »...
Claudine Auger : la première James Bond girl française dans « Opération tonnerre », c'est elle !!
Maurice Barrier : « Le grand blond... », « Coup de tête », « Les spécialistes » de Leconte
Paul Crauchet : « L'armée des ombres », « Le château de ma mère »
Denis Manuel : Jean-Pierre Melville l'a dirigé dans « Le deuxième souffle »
Maurice Biraud : « Le cave se rebiffe », « Le train » de Granier-Deferre, …
Marco Perrin : inoubliable second rôle des 60's et 70's (« L'armée des ombres », « Les valseuses », « Buffet froid »)
Mario David : inénarrable compère de De Funès dans « Oscar »
Jacques Marin : « Le monocle noir » de Lautner, « Charade », « Marathon man » de Schlesinger
André Pousse : « D'où viens tu Johnny » marque ses premiers pas devant la caméra pour ensuite s'entourer des Gabin, Audiard, Jean Yanne...
Des pointures dans leur domaine ! J'ai même reconnu la main dans le sac Henri Guybet (l'indécrottable chauffeur juif de De Funès dans « Rabbi Jacob ») ! Une galerie de trognes qui, eux, n'avaient pas besoin d'être dirigés !
Un autre bon point pour ce polar, c'est une musique pas désagréable du tout.
Les partitions sont très bien menées à la baguette par le compositeur fétiche du metteur en scène du drame « Le gigolo » : il s'agit de Claude Bolling (disciple de Duke Ellington, il a mis en musique « Le mur de l'Atlantique »-avec Bourvil-, « Le gitan »-de José Giovanni-...).
La bande-son m'a fait penser à celles de Michel Colombier sur « L'alpagueur » et « L'héritier » (tous deux avec Bébel, un autre super acteur de ces années là !) : j'ai retrouvé ce style et la même verve ici.
Ce n'est pas Morricone, tant pis ou tant mieux, mais Claude Bolling nous réserve tout son savoir-faire fort heureusement.
Une main sur le klaxon, deux doigts pour une guitare électrique. Bam !
C'est sûr qu'avec « Flic story », je n'ai pas cherché de scénario spécial. Il se trouve que l'histoire est manié de main de maître et l'intrigue, bien huilée (la traque de l'ennemi numéro un), est menée de façon prenante par le réalisateur du « Marginal » qui, en vieux roublard, cadre à merveille sa mise en scène, limpide, efficace et qui ne passe pas par tous les chemins : elle casse la baraque et c'est avec ces codes du polar à la française (cadrage, défilement de l'histoire par voix off ou non, découlement du montage) que Monsieur Deray signe et soigne un polar made in France exigeant (le générique du début, cadré sur les chaussures de Delon, m'a surpris -au passage, mon père possède et porte toujours ces mêmes chaussures en cuir marron) et de qualité.
De qualité aussi grâce aux costumes que portent tous les acteurs (vestons impeccables et qui descendent en-dessous des genoux, costume cravate bien centré sur le cou, chapeaux de flics...) ainsi que la violence bigrement bien maîtrisée (tirs de pistolet arme aux poings, cascades bien réglées -je suppose de Rémy Julienne, Jacques Deray ayant travaillé avec ce superviseur de cascades à de nombreuses reprises-, gifles utilisées à bon escient).
Résultat : un polar bien rôdé et qui sort du lot.
Pour conclure, « Flic Story »(1975), bonne référence du genre, est un divertissement des 70's haut de gamme concocté, signé et soigné par l'assistant-réalisateur des Boyer, Dassin, Bunuel et qui a même réalisé « Netchaïev est de retour ».
Un film de Jacques Deray à conserver indéniablement à côté du « Professionnel » ou du « Clan des siciliens ».
Spectateurs, assassin pour un jour, Delon pour toujours !
Accord parental souhaitable.