Un dernier pour la route.
Forcément, avec cette magnifique première demi-heure que propose Zemeckis dans ce "Flight"... forcément que les déçus du film seraient légion.
L'histoire : l'alcool au volant.
Critique : Ce Flight est un bon film, à mon sens. L'entrée en matière, d'un haut niveau de qualité technique, est parfaite pour rentrer dans le film. Le crash d'un avion... Difficile de faire mieux. La couleur est annoncée, le rythme est bon. Mais, après le crash, c'est la rupture de ton, la cassure. De l'art du cinéaste de faire croire que son film sera un "film - enquête", un "Philadelphia - bis" pour Denzel, sauf que là il aurait joué (une fois de plus) un "Hurricane Carter" injustement accusé d'un crime qu'il n'a pas commis, l'homicide involontaire. De l'art de Zemeckis de tromper le spectateur donc, et de continuer à le tromper tout au long de son film. En témoigne cette scène ou Whip (Denzel) rencontre son avocat (Don Cheadle). Ce dernier lui explique que la NTSB, sorte de police - CIA qui enquête sur les accidents d'avions, a relevé un taux d'alcool dans son sang. On peut alors croire que les personnages vont parler du droit, de stratégie de défense ou autre. Il n'en n'est rien. "Denzel - Whip", rendu anxieux par la nouvelle de sa possible incrimination, va tout simplement boire un verre au bar. Il avait arrêté un temps mais cette inquiétude soudaine le fait replonger. Solution simple et efficace qu’est l’alcool ici, permettant plus facilement "d'avaler" quelque chose qui a du mal à passer. Il a sauvé 96 passagers sur 102, et on peut l’accuser de crime ? Allez hop, on va noyer tout ça. On s'en jette un petit. On a besoin de quelque chose de fort. C'est tout simplement le dernier verre et ça fait du bien par où ça passe.
Ayant personnellement travaillé auprès de personnes toxicomanes et alcooliques, je peux affirmer que ce comportement d’alcoolique montré à l'écran à travers le personnage interprété par Denzel Washington est véridique. L'alcoolique qui essaie de s'en sortir passe par différentes phases avant d'être réellement abstinent. Le film retranscrit justement assez fidèlement ces phases. Whip est alcoolique, c'est un fait. Arrive le crash de l'avion. Autre fait. Assez remué par l'accident, Whip décide alors d'arrêter de boire, le crash l’incitant à stopper la boisson. Il a frôlé la mort, il arrête sa petite mort. Mais il n'arrête qu'un temps seulement. Autre fait marquant, sa possible incrimination. Anxiété soudaine, il replonge alors, reconsomme. Il n'est pas prêt à arrêter de suite, à stopper cette mauvaise habitude. Il boit alors, en grandes quantités. Vodka bon marché, bières, whiskey. La coke est aussi présente dans cette consommation en puissance. A une réunion des alcooliques anonymes, il est le seul à ne pas admettre qu’il est alcoolique. Déni de sa dépendance. Il n'a pas la motivation nécessaire pour s'arrêter de consommer.
Par la suite, pour les besoins d'une rencontre avec une vraie tueuse du NSTB (Mélissa Leo), Whip s'arrête de consommer (durant 9 jours), et se retape une bonne cuite mémorable dans un hôtel. Il se déchire la gueule avant le lever de rideau. Sa délivrance, il ne la doit pas à un énième mensonge - typique du toxico - qui lui fait éviter la prison, il la doit à des aveux sur sa consommation d’alcool et de psychotropes le jour du crash. Il admet alors son alcoolisme et va en prison. De mon expérience, je n’oublie pas non plus que certaines personnes alcooliques avaient peur du changement, du fait de ne pas boire, de ne pas savoir ce qu’ils allaient « trouver » dans l’abstinence. C’est l’issue du film. Pour les besoins d'un essai, le fils de Whip demande à son père : « qui es-tu ? » ; il répond, avec le sourire : "c’est une bonne question". Ne sachant pas qui il est en tant qu'abstinent, il ne peut répondre. Qui suis-je, moi qui aie toujours été alcoolique, et qui suis soudainement abstinent?
Un film très réaliste sur l’alcoolisme. Bien rythmé par une bande-son un poil trop « Rolling Stones », la présence d’un John Goodman ubuesque amène un peu de dégueulasserie et de drôlerie dans tout ça (la scène où on le voit décuiter Denzel avec un traitement « de sa composition » vaut le détour), et rend le propos un peu moins moralisateur dans un film, qui bien qu’inégal, reste cohérent dans son ensemble et est un bon moment de divertissement. A voir accompagné d'un bon scotch avec des glaçons.