Flo
6.1
Flo

Film de Géraldine Danon (2023)

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C'est la mer qui prend l'homme Mais elle prend pas la femme Qui préfère la campagne

Florence Arthaud était une sportive hors du commun, un marin qui a sans doute ouvert la voie aux filles qui ne résistent pas à l'appel de la mer. Avant elle, ce monde fait de performances et d'exploits était exclusivement réservé aux garçons qui se chargent bien de le seriner à Flo.

A force d'obstination et de ténacité la belle finira par sillonner les mers, réaliser des prouesses, battre des records et devenir "la petite fiancée de l'Atlantique" bien que son enfance bourgeoise et les rêves de ses parents de la voir devenir médecin ne l'y prédestinaient pas.

Alors qu'est-ce qui coince dans ce portrait même pas hagiographique de cette femme ? Clouée dans ma cabine depuis trop de jours, j'ai eu le temps de m'intéresser à Flo que je ne connaissais à peu près que de nom. J'adore la mer à la folie mais je pense que sur un bateau qui gigote, je ne ferais pas ma fière. En découvrant la vraie vie de Flo, j'étais prête à proposer mes services à la famille pour porter plainte contre cette utilisation catastrophique de la vie de cette marin (je ne pense pas qu'on dise marine et je ne veux pas énerver professeur M....n) mais j'ai aussi appris que la réalisatrice était une amie proche de Flo, marraine d'un de ses enfants. Mais alors pourquoi Géraldine Danon a-t-elle fait de cette championne son amie, une pochtronne, une midinette fleur bleue qui tombe dans les bras et le lit de tous les marins qui passent à sa portée, une fille un peu conne qui sourit tout le temps bêtement ? J'ai regardé des photos et des interviews de Florence Arthaud, elle sourit parfois mais plutôt rarement je trouve, mais là, je pense que c'est miracle si l'actrice n'a pas eu à l'issue du tournage une luxation de la mâchoire.

Je vais beaucoup trop vite, ce qui ne va pas commence bien avant que Flo se mette à sourire de toutes ses dents de façon absolument insupportable et hors de propos. Cela commence immédiatement. Dès la première image, dès la première scène où Flo encore toute jeune danse frénétiquement dans sa chambre d'ado, je me suis dit : "Aïe, aïe, aïe... pourquoi mais pourquoi la séance de Marguerite était-elle complète ?" Car Flo était un plan B et le dernier film que j'ai vu, depuis... ben depuis une éternité vous voyez bien (je n'ai toujours rien vu depuis le 31 octobre... vous ne pouvez pas comprendre) ! La voir danser, de dos, sonne faux. Je ne peux l'expliquer, ça saute aux yeux.

Toute jeune, elle a un accident de voiture alors qu'elle est alcoolisée, encore mineure. Après avoir vu le film j'ai senti que l'insistance à développer le récit de ce genre d'évènements consistait sans doute à montrer à quel point cette fille est libre et originale. Tu parles Charles. Cet accident manque lui faire perdre la vie. Après quelques jours de coma et six mois d'hospitalisation, elle se remet miraculeusement sur pieds. J'apprends de source familiale, qu'à l'époque, Flo ne buvait pas, ne conduisait pas et se trouvait à l'arrière du véhicule, ce qui n'est pas le meilleur endroit pour tenir le volant et envoyer le véhicule dans un platane après dix-huit tonneaux). Mais bon, c'est Flo, un être hors du commun, vu ce qu'elle fait avec un bateau, elle devait pouvoir conduire une Renault 18 depuis la banquette arrière. Peu importe, admettons. De toute façon, entre la famille qui conteste et l'amie qui raconte, qui a raison, ce n'est pas au pauvre spectateur de trancher. Mais de subir !

Et ce qui coince définitivement c'est que la réalisatrice va s'employer à relater par le menu tous les évènements, les plus dramatiques possibles s'il vous plaît, mais encore bien plus ses relations avec des hommes qui se solderont toujours par des séparations assez pathétiques voire humiliantes alors que sa passion pour la mer, sa détermination sont négligées. Quant à sa facilité à trouver des bateaux pour naviguer alors qu'elle a rompu avec sa famille est assez déconcertante voire miraculeuse. La réalisatrice a vraiment l'art de l'ellipse.

Rapidement, (il suffit de se promener cheveux au vent en souriant sur un ponton) elle tombe sur Parisis (un marin, le premier connard de sa vie j'ai envie de dire) qui l'emmène parce qu'elle est belle putain ! J'accélère mais il l'abandonne au bout du monde sans un sou et sans se retourner. Plus tard, parce que pas rancunière elle le reverra, la scène de rupture entre eux deux est sans doute la plus exceptionnellement débile que j'ai vue. Seuls sur le sable, les pieds dans l'eau, leur rêve était trop beau. Face à face ils se hurlent dessus et, je ne peux l'affirmer à 200 %, mais il me semble bien que Flo tape du pied, met ses petits bras en arrière et la tête en avant (vous l'avez ?) et lui hurle de partir. Genre la plage est à moi. Elle en arrive à faire les poubelles pour se nourrir en souriant, et danse avec des enfants locaux en souriant parce que merde, la vie est belle quand on a rien à manger, pas de logement, pas d'argent. Y'a pire !

Comment scène suivante, a-t-elle réussi à rentrer en France ? Comment se retrouve-t-elle à faire sa première Route du Rhum à dix-neuf ans ? Comment a-t-elle trouvé son bateau pourri (elle affirme qu'il est pourri) ? Ce n'est pas dit dans la chanson. Dès lors elle croise la route des Lamazou, Poupon, Riguidel, des noms qui sonnent so eighties, voire pire aux oreilles des plus jeunes, qui l'accueillent sans plier les genoux, alors que les filles quand même on aime mieux les avoir dans la couchette, à la table de leurs beuveries. S'ensuit une scène d'une débilité sans nom où elle est debout, cheveux au vent, toutes dents dehors dans une décapotable roulant à vive allure, avec tous ces gars qu'elle connaît depuis douze minutes. C'est d'une bêtise ! Attention, me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, et pas penser ce que je ne pense pas. Que les marins se pichent la callebasse quand ils sont à terre (et même en mer d'ailleurs), je n'ai rien contre (en fait je m'en fiche complètement), "Du rhum, des femmes et de la bière non de Dieu" telle est la vie du marin, mais dans ce film on ne les voit que dans ces moments de joyeusetés alcoolisées et fraternelles où une fille, parce qu'elle est belle putain, partagent le rhum et les chansons de marins nostalgiques (ce sont les chansons qui sont nostalgiques, pas les marins qui sont beurrés comme des biscottes ; j'aurais dû dire chansons nostalgiques de marins, mais trop tard). Jamais on ne les voit en mer, aux prises avec les éléments, les contraintes, la solitude, les avanies et framboises, les joies aussi. Jamais. La mer n'est pas un personnage de ce film.

Et puis elle rencontre l'Amiral de Kersauson (Alexis Michalik dans ses oeuvres et son énième rôle de connard queutard) et lorsqu'ils sont en mer que voit-on ? La mer ? Mais non !!! Les deux en train de baiser comme des lapins, debout, sur la table, parfois sur une couchette. Les scènes de sexe s'éternisent plus que de raison sans la moindre justification sauf à démontrer que Flo était déchaînée au lit voire nymphomane. Encore une fois c'est son droit le plus strict mais où est le marin ? La scène du restaurant où elle simule un début d'orgasme (cela ne marche que dans Quand Harry rencontre Sally je pense, toujours imitée, jamais égalée) est tellement ridicule que c'est à pleurer. Celle où il lui met la main dans la culotte et s'exclame : "oh mais c'est l'inondation, y'a une urgence" est consternante. Je vous laisse apprécier. Et pendant ce temps Flo sourit jusqu'au fond des molaires, mais qu'elle est belle putain ! Si belle qu'on en oublierait presque qu'on va en épouser une autre. La scène du mariage de Kersauson est un sommet d'ânerie !

Et puis, évidemment arrive le moment tant attendu de la fameuse Route du Rhum (les années passent à une vitesse ! la réalisatrice manie à la perfection les ellipses... le film est vraiment décousu) qu'elle remporte en 1990. Et que voit-on de cette course en solitaire, difficile, qu'elle était la première femme à entreprendre et donc à gagner, réalisant un nouveau record ? Que voit-on ? Une marre de sang et la fausse-couche, probablement, que Flo a subi pendant la traversée. A aucun moment, on a le sentiment de vivre une épopée, une aventure, d'être secoué par le danger, la peur ou l'exaltation. La nave va, presque tranquille et atteint sa destination en trois minutes. Jamais on n'imagine que la course a duré quatorze jours !

Au lieu de s'intéresser au parcours sportif d'une championne pas comme les autres, la réalisatrice a préféré nous assommer avec sa vision people d'une femme dont la vie semblait diriger par sa passion pour les hommes au lieu de nous détailler son remarquable parcours et surtout à quel point la mer était sans doute son seul amour. Quant à son combat féministe pour faire en sorte que les femmes puissent exister dans ce monde de machos surpuissants, il est balayé en une réplique qu'on entend à peine.

Stéphane Caillard l'actrice s'est donnée corps et âme à ce rôle c'est évident mais l'acharnement à la filmer nue n'a strictement aucun intérêt. On le sait, on le voit qu'elle est belle, mais ses sourires appuyés finissent par être agaçants et vraiment hors de propos. Et la pauvre scène où elle fait oui de la tête avec beaucoup d'insistance parce qu'après une fracture de plusieurs cervicales le médecin lui dit qu'elle pourrait reprendre la navigation quand elle pourra faire oui avec la tête est d'une bêtise ! Et que dire de cette scène où en fauteuil à l'hôpital elle "roule" à toute vitesse dans les couloirs en hurlant avec une copine. Je ne vois pas quel hôpital tolèrerait ça !

Quant aux autres acteurs autour d'elle, disons que j'ai particulièrement noté les perruques improbables de Pierre Deladonchamp et Allison Wheeler (la pauvre), on dirait du crin de cheval.

Ce film est tellement bête et hors sujet que je pense qu'il ne nuira même pas à l'image de la championne Florence Arthaud car l'aspect sportif de sa tragique existence n'est absolument pas traité.

C'est du Voici Gala à la sauce Paris Match. Pouah !

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le 9 nov. 2023

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