Esquisses d’esquif
L’inondation qui ouvre Flow et met à l’épreuve son protagoniste, un chat condamné à affronter sa peur de l’eau, métaphorise à merveille le dispositif mis en place par Gints Zilbalodis : du passé...
le 31 oct. 2024
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5
Flow est très clairement le film que je n'attendais pas. Flow est un film sur un chat qui est confronté à la montée des eaux, et qui va vivre une odyssée avec d'autres camarades.
Mais Flow est une claque. Violente, insoupçonnée. Pourtant le film est un film sans paroles, doux, très juste, tout en étant assez dur sur le comportement des animaux autour d'eux. Une image qui permet de rendre compte assez fidèlement de la société et de ses travers à travers les petits animaux. Cette personnification avec des animaux animés plus vrais ou nature que jamais (clairement les adaptations live Disney n'en font pas plus des animaux et des attitudes animales) se suffit à elle même. D'autant plus que c'est facile de se reconnaître dans un animal, et cette fois je suis très clairement le chat. Le choix de l'animation est un coup à prendre. Mais elle permet des scènes absolument merveilleuses, accompagnées par une bande sonore très belle. Tout en sachant se taire pour profiter de l'environnement.
Cette épopée n'est pas non plus sans défaut, avec quelques animations des animaux qui font bizarre ou qui piquent les yeux, avec quelques longueurs.
Mais alors pourquoi mettre un 10 ? Tout repose sur l'interprétation qu'on a du film, et entrons dans une partie spoiler... (La première vous dévoile en mon sens le sujet du film véritable, et les autres viennent appuyer et interpréter les scènes à l'aune de cette idée)
La vérité, c'est que le film parle de la mort, la plus pure, la plus vraie, au delà de ces aspects chatoyants et colorés. Mais il ne parle pas simplement de la mort, il parle de la fuite de la mort, et son acceptation.
En vérité cette épopée, et c'est comme ça que je l'ai vu, c'est le parcours de la vie pour fuir la mort. Probablement ce qui est ma peur la plus incrustée en moi. La plus profonde est la plus inéluctable. Mais les animaux pourraient s'arrêter sur une île qu'ils ont trouvé, mais ils continent, obsédés par une destination, obligés d'atteindre le sommet, comme si là bas se trouvaient leur funeste destin. Mais même en ayant grimpé ce piédestal, seuls ceux qui ont accepté le destin, de cette montée des eaux arrivent à monter en haut. Celle de l'oiseau qui monte aux cieux m'avait fait comprendre que l'on parlait de la mort, une façon pour l'instant très poétique de l'évoquer. Mais le chat retombe du haut de sa tour, car il fuit toujours et encore.
Alors quand le chat redescend et essaie de retrouver ses compagnons, ce que l'on se rend compte c'est que la terre s'ouvre et ravale toute l'eau qui venait d'inonder la terre. Ces dans ces instants que mon cœur n'a fait qu'un bond. Les compagnons sont sauvés d'un risque de mort imminente. Hors, comme au début du film, une série de chevreuils courent dans la forêt, agités, comme si la vie avait repris son rôle. Mais non le chat fuit avec eux. Car la dernière fois c'était le signe de la montée des eaux. Il regarde la tour car il comprend que ce serait son seul moyen de survivre. Puis, il croise la baleine mutante, qui les a suivi. Et dans leurs yeux, on comprend l'importance de la vie, le respect mutuel. Mais surtout le chat s'arrête de fuir. Il retourne avec sa famille, et se regardent, beaux et admiratifs de ce qu'ils ont fait ensemble. Ils sont dans l'acceptation. Ils acceptent la future mort, la remontée des eaux, pour faire place à leur suite, à la nouvelle vie, celle de l'océan, celle des espèces futures. Et ne peuvent pas s'imposer. Car la baleine mutante est la seul espèce inédite, qui n'existe pas déjà. Signifiant l'avenir après nous, les hommes. Et quand la musique du générique se nomme "Acceptance", tout est dit. Et que la dernière image est celle d'une eau et de la baleine vivant.
Alors compte tenu de cette peine de la mort qui l'est l'une des choses les plus dures à penser dans la vie de tous les jours, alors peut être ce film est une étape absolument importante dans ce parcours psychologique. Le plus important sont les personnes qu'on a croisé et qui nous ont construit, le parcours, pour accepter cette idée de la mort. Pour un film d'animation pour enfant, avouez que cette idée est très forte. Chaque étape du parcours est une manière de commencer d'avoir peur ou d'accepter la mort. Le caractère de chaque animal est une réaction, une attitude que l'on peut avoir face à la mort, face à la crise existenielle de la vie. Sans oublier que le film parcours des temples bouddhistes, avec toute sa philosophie associée. Obligé de survivre et de s'adapter à l'environnement, empli de peur, ou de vanité (l'antre du chat est un égo trip absolu), face à l'absolue difficulté du monde, il s'agit d'un parcours pour accepter la mort. Et c'est alors, ensemble, qu'ils peuvent être content de mourir, ensemble, heureux. Une sorte de film où la fin est absolue, mais pour laisser place à une autre vie qui saura rendre hommage à tous ceux qui lui ont précédé. Et encore on n'a pas parlé de l'absence humaine, mais ça ce serait encore rallonger cette critique.
Ainsi, pour un film d'animation pour enfants, l'ensemble de cette thématique en filigrane, rend ma vision du film une étape importante dans ma propre construction. Une merveille d'animation, pour tout public, et qui parlera, à ceux qui comme moi, peuvent avoir peur.
Ainsi, cette critique un peu trop personnelle vous fera comprendre ce que j'ai ressenti et pourquoi j'ai pu pleuré. Mais en tout cas ce sera vraisemblablement mon film de l'année, et sans doute la plus grosse surprise de mon année.
Merci à vous.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2024 et Les meilleurs films français de 2024
Créée
le 1 déc. 2024
Critique lue 12 fois
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