Comme le laisse entrevoir la bande annonce, Flow s’avère un film d’animation aux choix remarquables. Il est incontestablement à ranger dans la catégorie post catastrophe et on n’y observe aucun humain. Par contre, on y repère de nombreux vestiges de l’activité humaine : des objets (nombreux et très divers, certains apportant une touche de mystère), une vieille habitation où Flow a installé son refuge et une ville à l’abandon aux faux airs de Venise. Mais, ce n’est pas parce qu’on ne croise aucun humain qu’ils ont totalement disparu de la surface du globe, puisque l’action se concentre sur une région plutôt restreinte. De toute façon, nous n’en saurons pas plus, puisque le film ne montre que des animaux dans la nature et qu’ils ne s’expriment que par leurs cris, leurs gestes et attitudes. Et c’est le deuxième choix fort de ce film qui vogue résolument dans des eaux peu fréquentées, à savoir le film d’animation animalier où les animaux se comportent bel et bien comme tels. Cependant, on sent la patte des créateurs humains (Gints Zilbalodis à la réalisation, le même et Matīss Kaža coscénaristes, tous deux lettons).


En effet, pour les besoins de l’intrigue, on observe Flow, le chat qui n’a plus peur de l’eau et quelques autres animaux sur un bateau et certains se montrent capables de tenir la barre pour le diriger. De plus, ces animaux de différentes espèces (un chat, des chiens, un lémurien, un capybara et un oiseau échassier) parviennent à se côtoyer sans s’agresser. Mieux, ils s’entraident pour se tirer de situations délicates.


Les qualités du film sont multiples et impressionnantes. Pour commencer, l’animation est remarquable, avec une fluidité de mouvements qui fait plaisir. Le seul point faible concerne les poissons qui, dès qu’ils sont attrapés par Flow où les chiens par exemple, se transforment en poids morts, inertes d’un instant à l’autre. La fluidité concerne également l’eau dont la présence et les mouvements représentent une part importante dans la réussite du film.


En effet, les animaux qui se livraient à leurs activités naturelles se voient menacés par la brusque montée des eaux, une montée irrésistible qui met Flow en grave danger. Un péril qui trouve son épilogue par la venue inopinée d’un bateau à l’abandon. C’est sur ce bateau que Flow et ses amis vont trouver refuge et voguer un peu au hasard, ce qui leur permet et nous permet en même temps d’explorer ce monde dont on remarque qu’il continue de tourner malgré l’absence des humains.


Le film nous fait bien sentir que l’action humaine est probablement à l’origine de la catastrophe qu’on devine. De plus, on sent que les traces du passage de l’homme sur Terre ne tiendront pas bien longtemps, mais que cela n’empêchera pas la nature de poursuivre son existence, sans doute plus paisiblement.


Autre qualité du film, ses nombreuses péripéties. On notera au passage que l’absence de parole ne nuit aucunement au développement d’un scénario palpitant. Les auteurs nous rappellent donc que l’essence du cinéma c’est le mouvement et même les images animées. D’ailleurs, avec les moyens dont dispose l’équipe qui pilote le projet, le choix de l’animation permet une belle diversité des angles de prises de vue et une constante mobilité de la caméra. Les couleurs et les paysages sont à la hauteur. Finalement, le passage dans la ville morte s’avère un poil trop long, son rôle étant de rappeler l’action et l’ancienne présence humaine, sans que cela apporte quelque chose de fondamental puisque les animaux se débrouillent très bien sans les humains. Au contraire même, puisque désormais ils ont le champ libre. Bien entendu, le film s’arrange ainsi pour présenter une sorte de morale pour nous, spectateurs humains, à savoir que l’entraide et l’amitié permettent d’affronter l’adversité avec bien plus de force qu’isolément. On sent donc également la patte humaine dans ce domaine, puisqu’on voit des animaux se dresser contre d’autres, pour sauver leurs amis, bien que ces amis ne soient pas de la même espèce. Le film insiste d’ailleurs là-dessus, en montrant des situations où des animaux sont partagés entre leur instinct grégaire qui les incite à s’associer par espèces et une sorte de loi du donnant-donnant qui les incite au contraire à s’associer selon le souvenir des services rendus, logique typiquement humaine. Mais, on aurait bien tort à mon avis de dénigrer ce film pour cela, car il nous montre une équipe improvisée dans une sorte d’arche de Noé (sans Noé) qui fait plaisir à voir. Ma seule vraie réticence sur ce film accessible à tous publics, concerne un épisode peu avant la fin, qui sonne comme une parenthèse onirique, que je n’ai pas trouvé convainquant malgré un aspect poétique indéniable.


Alors, bien évidemment, tout cela ne serait pas possible sans le numérique. Toujours est-il que les choix faits ici, parfaitement assumés, font leur effet pour apporter un réel plaisir aux spectateurs. Quand le spectacle s’associe à la réflexion, grâce à une prise de risque bien dosée, pourquoi bouder son plaisir ?


Electron
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Le cinéma d'animation, c'est pas que pour les petits et Vus au ciné en 2024

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le 3 nov. 2024

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