Une qualité beaucoup trop élastique...

Faire face à ses expériences d'enfance, parfois, c'est plutôt douloureux. La raison est en soi assez simple, quand nous sommes petits, nous n'avons pas la même notion du cinéma qu'une fois adultes. Plus facilement influençables, plus enclins au fan-service, nous sommes facilement subjugués par ce que nous voyons, notamment par ces fameux "films pour enfants", que quand tu revoies une fois adulte, te montrent à quel point tu avais pu être naïf et de mauvais goût à l'époque. Et pourtant, certains films nous marquent. Ils nous marquent à un tel point que même quand on les regarde à nouveau, on ne cesse pourtant de les aimer, on se dit à chaque déception qu'on les a adoré autrefois, qu'ils sont faits pour le plus jeune âge, et que nous nous attendions juste à trop pour ce que c'était à la base. Et puis en général, ces films là sont les meilleurs de ceux qu'on a connu, donc il y a quand même une qualité présente qui nous permet d'y retrouver notre plaisir d'antan. Et au milieu de ça, il y a les autres. Ces films qu'on a assez apprécié à l'époque pour s'en souvenir, mais qui nous a pas non plus marqué par sa qualité, qui n'a pas bercé notre enfance. Et ceux-là, les revoir, c'est souvent un véritable tir de fronde en plein visage.

Flubber a pourtant de bonnes intentions, dans l'esprit. Petit Disney peu original, il décide de choisir un domaine assez facile pour faire rêver le spectateur : Un scientifique qui lance une expérience révolutionnaire, ici Flubber. Et c'est ce qui permet aux plus jeunes de passer la pilule en général, puisque les qualités possible sont affichées autant qu'on ne le peut pour que les esprits les moins malins y voient du bon. Le film abuse de tout ce qui pourrait faire craquer la famille de l'époque, gags répétitifs et grossiers, ouverture à l'imaginaire (voiture volante, petite bestiole verte mignonne comme tout, "gros ventre" fut le nom que ma petite sœur lui donna, ou encore des basketteurs volant dans tous les sens), et un esprit familial classique mais qui marche sur le produit cible. Mais au final, l'oeuvre abuse tellement de ces procédés au détriment d'une qualité cinématographique que pour le spectateur un peu plus adulte et avisé, cela devient une bouillie infâme et aussi gélatineuse que Flubber lui-même à avaler pendant une heure et demie. Et cela ne nous empêche pas de voir tous les défauts que Disney essayait de nous cacher, bien au contraire.

Le scénario est en soit une débâcle. Si Wilmow (à mes souhaits, je retiens jamais le nom de cette IA jaune, pourtant c'est ce qui m'avait le plus marqué dans le film) se montre assez intéressant dans son conflit intérieur, tout le reste est assez indigeste et incohérent. Les scénaristes étirent le script comme ils peuvent, tels Robin Williams avec sa gelée verte, en nous présentant les multiples expériences du si génial inventeur, sans vraiment faire avancer l'histoire. Normal au fond, celle-ci est vite résumée : L'héros oublie son mariage, mais pas grave, il a créé une gelée verte badass qui permet de voler et de rebondir. Niquel, juste ce qu'il faut pour sauver l'école dans la panade la plus totale. Heureusement, sa copine est pas conne, quand il lui présente le projet pour la séduire, elle refuse sincèrement. Et c'est alors qu'une IA arrive et lui montre son amour dire de belles choses devant elle. Enfin, il les lui a déjà dit, c'est juste qu'il fallait bien que la nana retombe amoureuse, et puis, à travers un écran, ces propos sont tellement plus convaincants. Mais c'est alors que le vilain mafieu essaie de récupérer la substance pour être riche, malgré le refus du scientifique. Avec ses mafieux extrêmement bien armés (ou pas, c'était une blagounette, hihi), et un fils à papa agaçant, c'est le meilleur méchant de l'univers. Oh attendez, il faut un rival au héros aussi, un gars qui essaie de piquer sa copine mais échoue lamentablement, sinon ça va vraiment pas le faire. L'esprit de famille, tout ça. Bon et du coup, le héros vient, les explose à coup de flubber que les mafieux auront laissé bien gentiment être appliqués sur leurs mains alors qu'ils en connaissent les effets, et tout est bien qui finit bien. On rajoute plein d'expériences farfelues afin de combler l'heure de film restante et tout va bien.

Et parlons-en de ces expériences, et de toutes les incohérences qui en découlent. Car vous m'excusez, mais je vois des machins verts rebondirent dans ma maison, j'appelle direct les fils en accusant le scientifique mégalo du coin. Et bien sûr, quand Robin Williams vole avec sa voiture dans les rues de sa chère ville, personne ne le remarque. C'est discret, une voiture volante, après tout. Tout comme des balles qui rebondissent dans le jardin du voisin sans cesse. Ceux sont des choses normales après tout. Mais je pense qu'on atteint la palme d'or avec le match de basket-ball. Une équipe de sous-doués face à des champions qui leur mettent genre 42 à 0 sur la première mi-temps, déjà, si ils gagnaient, on soupçonnerait une triche des plus indirectes. Alors comment un arbitre normal, en voyant des enfants rebondir d'un bout à l'autre du terrain et faire du dribble vitesse mille peut ne pas lever le drapeau de la triche ? Et lorsque finalement la seule personne intelligente du stade, un des joueurs, vient lui signaler qu'il y a quand même un souci dans tout ça, l'arbitre l'envoie bouler à coups de "On s'en fiche, ils ont le droit de sauter haut", à se demander combien ce gaillard a été payé pour une corruption aussi grossière. Et bien sûr, à travers toutes ces incohérences, on a le Flubber "vivant" comme on pourrait l'appeler. Nombre d'apparitions en forme "gros ventre" ? Insuffisantes. Car au maximum, on doit le voir sur un quart d'heure du film. Déception pour les enfants de voir si peu la mascotte qui leur faisait voir le film, et nous, une forte impression qu'on s'est fait enflé par l'achat de ce film.

Après, on peut aussi décider de ne pas se prendre la tête avec le scénario, de laisser le cerveau sur le côté et d'apprécier l'oeuvre comme un enfant. Alors du coup, oui, ça passe mieux, mais les défauts subsistent même dans cet aspect. Si j'aime beaucoup Robin Williams, la mise en scène reste très plate et lourde, pouvant même en venir à agacer. Les effets spéciaux ne sont pas trop mal pour l'époque, mais pas forcément bien utilisés. On rit de temps en temps, on sourit à d'autre, mais le côté "drôle" du film n'est pas non plus transcendant, la faute à l'abus de facilités dans les gags et les jeux d'acteur, les personnages étant beaucoup trop clichés (les gros méchants mafieux, le vilain rival) puis démolis pour les méchants à coup de boules de bowling et de chewing-gum. On aurait presque pitié pour eux s'ils n'avaient pas été présenté comme les gros vilains pas beaux. Ce que ce film n'a pas compris, c'est que les bons méchants de films pour enfants, c'est pas ceux qui se font décrédibilisés incessamment au profit d'un humour douteux, mais ceux qui jusqu'à l'acte final restent dignes, effrayants et... méchants (je ne citerais pas, je pense qu'on a tous des méchants Disney qui nous viennent immédiatement à l'esprit). Bref, plein de déceptions, le spectateur avisé partagé entre l'indifférence et la frustration du début à la fin.

Et tout ça, c'est dommage, car le concept de base était bien. J'avais envie de voir ce "gros ventre" vert bouger du popotin tout du long, et l'imaginaire est bien mis à l'épreuve, ce qui m'a fait plutôt bien apprécié à l'époque et lui vaut cette note. Mais au final, la pratique ne suit pas l'idée, et ça, on le regrette forcément, surtout quand on le revoit avec du recul comme moi.
Red-Camellia
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le 10 déc. 2014

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