L'affiche de Fortuna est superbe. Enigmatique aussi avec cette fillette suivie d'un âne dans un paysage entièrement blanc. Et le beau nom du réalisateur, Germinal Roaux (photographe et cinéaste franco-suisse, adepte du noir et blanc), contribue à vouloir découvrir ce film que l'on devine sortir des sentiers battus. En l'occurrence, ils sont enneigés au coeur d'un monastère suisse où des migrants ont trouvé refuge. Parmi eux, Fortuna, dont on ne saura que peu de chose, notamment sur son périple depuis l'Ethiopie, adolescente rebelle, mystique et enceinte qui perturbe la communauté religieuse. L'une des scènes les plus marquantes est d'ailleurs celle où les moines réunis évoquent leur confusion, partagé qu'ils sont entre leur désir d'humanité et leur vocation au silence et à l'isolement. Impossible alors de ne pas penser à Des hommes et des dieux. Fortuna a tout pour être un mélodrame à la Zola (avec un réalisateur prénommé Germinal) mais il en est à l'opposé. Très esthétique (trop, peut-être) il est d'un abord austère et exigeant mais transcendé par un regard artistique et poétique et bien aidé par le charisme d'un merveilleux Bruno Ganz et de sa jeune interprète éthiopienne, assez souvent mutique mais dont les sourires sporadiques semblent l'illuminer de l'intérieur et donner l'espoir que sa vie sera meilleure à l'avenir.