Vivotant dans la banlieue de Rome, Fortunata est une paumée décidée. Aspirant juste à monter son salon de coiffure, elle vit de petites coupes au black, de prêts de clientes aisées pas forcément fréquentables et surtout du peu qu’elle peut extorquer à son ex-mari pour continuer de survivre avec sa fille qui la déteste dans un appartement trop petit.
Véritable volcan en perpétuelle éruption, Fortunata déploie une énergie considérable pour affronter l’avenir et combattre avec acharnement un passé qui la plombe. Qu’il s’agisse de son ex-mari, pervers narcissique qui ne manque pas une occasion de la rabaisser, de lui renvoyer ses échecs et de la violer après sa journée de travail, ou encore de son meilleur ami, bipolaire affectueux et probablement amoureux, addict au jeu de hasard et en quête de liberté malgré la charge d’une mère souffrant de la maladie d’Alzheimer, voire encore du dernier souvenir de son père, camé qui planquait sa dope sur elle, qui la ronge, Fortunata n’a pas été aidée dans la vie. En dépit d’un prénom qui lui promettait un avenir radieux, elle n’a jamais touché le gros lot.
Et quand enfin le vent semble tourner en sa faveur, lors notamment d’une rencontre salvatrice avec un psychiatre qui semble vouloir l’aider, c’est sa fille qui va lui tourner le dos en faisant tout pour passer sous la garde du père.
S’il ne semble pas subtil de prime abord, le film nous faisant à de nombreuses reprises un parallèle avec Antigone, il surprend en évitant toujours le misérabilisme et en tordant le cou du mythe durant les dernières secondes. Car si Antigone finit par se pendre dans sa grotte, Fortunata gardera l’espoir et réussira, elle, à trouver une sortie.
Lumineux dans son approche d’une vie tumultueuse, le film de Sergio Castellitto pêche aussi par excès en offrant toute une galerie de personnages secondaires farfelus et de scènes peu utiles, sans doute trop pour le bien du film.
Pour autant, le métrage ne semble pas long et le spectateur traverse avec plaisir cette tranche de vie orageuse.
Alessandro Borghi et Edoardo Pesce, incarnant respectivement le meilleur ami et l’ex-mari, sont parfaits dans leur interprétation, malgré des rôles peu évidents.
En revanche, Jasmine Trinca rayonne et dévore l’écran. Somptueuse en cagole romaine abîmée, dans sa démarche de pouffe pressée mais freinée par une jupe trop courte et des talons trop hauts, dans son phrasé tantôt éructé tantôt mitraillé mais toujours blessé et blessant, ou juste dans ses silences, quand elle est au bord de l’abandon, elle incarne à merveille un personnage complexe et que le spectateur n’a aucun mal à aimer.
Présenté en compétition à Cannes en 2017 dans la catégorie « Un certain regard », le jury ne s’y était d’ailleurs pas trompé en récompensant Jasmine Trinca du prix de la meilleure interprétation féminine.
Sans être exceptionnel, le film mérite d’être vu au moins pour la prestation de ses acteurs et pour son atmosphère, quelque part entre le drame et le feel good movie. Une excellente surprise.