Troisième long-métrage de fiction de son réalisateur, Foxcatcher s’intéresse - dans la lignée de Capote et plus encore de Moneyball - au fait divers qui lia de manière tragique les destinées du milliardaire John E. du Pont et des frères Schultz, lutteurs et champions olympiques de leur état.
Une histoire vraie que la mise en scène de Miller va geler dans une esthétique de papier glacé, plongeant la narration dans des automnes mélancoliques et des hivers ouatés, où chaque mot prononcé, chaque geste, chaque coup acquiert une puissance inouïe. Si les dialogues accusent une légère rigidité et un amour parfois trop grand du champ-contrechamp, ce sont des face à face aphones qui donnent à Foxcatcher toute son ampleur. Mark et David Schultz s’échauffent ensemble avant un entraînement et l’instantané du corps-à-corps révèle tout de leur relation : l’amour protecteur, l’admiration enflée, l’ombre envahissante et l’envie dévorante, tous les sentiments concentrés dans les muscles tendus et les têtes rentrées. La même opération s’effectuera au moment de décortiquer le caractère fascinant de du Pont et son entremise dans la relation d’Abel et Caïn. La lutte, loin de n’être qu’une toile de fond au drame, sous-tend l’ensemble des enjeux du film : chacun lutte, s’avilit, puise dans les entrailles de son être, dans une téléologie unique - la reconnaissance - faisant du film une variation terriblement pertinente de la dialectique hégélienne.
Quand le coup de feu final retentit, le choc est immense ; la véritable tragédie de Foxcatcher, c’est la fin des silences en même temps que l’accomplissement d’une évidence.