Troisième film de Bennett Miller, Foxcatcher, sorti en ce début d'année, retrace l'histoire de John E. du Pont, riche milliardaire, ou plus précisément l'histoire de ses relations avec Mark Schultz, lutteur médaillé, et avec le frère de celui-ci, Dave. Avec son affiche à fond noir, ses nominations aux Oscars et ses acteurs à la mine sérieuse, Foxcatcher promet plus que jamais un film sombre et profond qui va marquer les esprits. A raison ?
Eh bien, oui et non. Mais surtout oui. Miller y a mis les moyens, dans ce film: prothèse nasale pour que Steve Carell soit le plus proche possible physiquement du vrai John E. du Pont, un domaine plus que conforme au vrai et enfin, une reconstitution perfectionnée font de Foxcatcher, en apparence, un film qui se veut au plus proche du réel. Cela se voit d'ailleurs dans le jeu des acteurs: que ce soit un Channing Tatum en Mark Schultz qu'on n'attendait pas là mais qui, mâchoire avancée et mine bougonne, va rivaliser avec Mark Ruffalo en Dave Schultz et Steve Carell qui, eux aussi, réalisent une performance inédite et réaliste.
Au niveau de la réalisation, rien à redire: les plans sont judicieux, puisque avant l'une des scènes finales on n'a jamais les trois personnages ensemble à l'écran, ce qui insiste sur le triangle que le film veut mettre en place, et que j'évoquerai plus tard. Le choix de la lutte comme thème est d'autant plus judicieux que certaines scènes d'entraînement, que ce soit entre Mark et Dave ou entre Mark et John, ressemblent à un mélange de tendresse et de sauvagerie. Si tout est mis en scène avec des intentions louables et intelligentes, on pourra cependant remettre en question le scénario. Qui, connaissant l'histoire de John E. du Pont à la base, a été choqué par le twist final ? Même si les relations entre les personnages sont extrêmement bien travaillées et aboutissent parfaitement et avec justesse à ce twist, il manque une certaine tension.
Une tension d'ailleurs, qui va également, par son absence, créer quelques longueurs au film. J'exagère au maximum en prenant cet exemple, mais Cartel a été mal accueilli parce qu'il n'était constitué que de dialogues. Ici, Foxcatcher se repose non seulement sur ces dialogues, mais également sur le jeu de ses acteurs. Heureusement, il essaye tout de même d'instaurer une certaine réflexion, via les relations entre les personnages et la symbolique de chacun d'entre eux: John E. du Pont devient un mégalomane égoïste et violent qui veut être un héros de guerre, une sorte de martyr patriotique, tandis que Mark est l'athlète, l'outil, qui va finir par se révolter (même si cette révolte est quelque peu mal amorcée), que seul Dave rattrape et encourage. Constamment, au cours du film; John se sert de Mark, qui se sert de Dave: John en arrogant milliardaire va alors se servir de Dave et la boucle est bouclée.
Foxcatcher est donc au final un film appréciable, sans être brillant, avec des acteurs si excellents que le film se permet de se reposer sur eux.