Prix de la mise en scène au Festival de Cannes l'an passé, Foxcatcher est le troisième long-métrage de Bennett Miller, un habitué du biopic (Truman Capote, Moneyball) ; jamais deux sans trois avec ce film dramatique, dédié à une affaire ayant secoué le monde du sport en 1996 (dont je n'avais jusqu'ici pas eu vent).
Bonne surprise en perspective donc, et Foxcatcher ne déçoit pas, à défaut de véritablement impressionner ; si l'on excepte les quelques libertés prises vis-à-vis de la réalité, la sauce prend forme au gré de ce récit posé mais captivant, et qui parvient avec plus ou moins de mérite à rendre compte de la relation malsaine liant un trio original.
La fratrie Schultz, des lutteurs champions olympiques, est en tout cas traitée avec un brio certain, à l'image d'un Mark central au sein du récit auquel on s'attache sans peine, celui-ci constituant une figure brillamment approfondie ; davantage en retrait, son grand frère David n'en demeure pas moins une présence nous faisant autant d'effet qu'à son cadet, celui-ci incarnant un modèle d'affection et de confiance superbe, tout y ajoutant une lutte fratricide silencieuse.
A leur côté on retrouve le fameux John E. du Pont, personnage éminemment complexe dont s'empare avec réussite Foxcatcher, le long-métrage dressant un tableau des plus déroutant le concernant : au fil d'apparitions glaçantes, celui-ci n'aura de cesse de gagner en intensité en imprégnant le film d'une tension palpable ne nous lâchant pas, tandis que ce dernier se laisse aller à des séquences pour le moins équivoques, sujettes à débat même.
Ce groupe de figures hétéroclites nous propose ainsi une vision fascinante de l'ambition et du patriotisme américain, sous couvert d'une rencontre entre deux univers que tout oppose, tout en nous menant de fil en aiguille au drame tant redouté (l'exploration subtile du personnage de John y est pour beaucoup) ; par ailleurs, il convient de rendre hommage aux prestations parfaites de Channing Tatum, qui trouve là son meilleur rôle (il crève l'écran) et prouve que le film d'auteur peut tout aussi bien lui convenir, Mark Ruffalo (plus discret mais non moins impressionnant) et Steve Carell, qui se fend là d'une copie sidérante (le changement abrupte de registre le concernant n'est anodin).
Dans son ensemble Foxcatcher happe donc notre attention avec aisance et sans trop en faire, bien que l'on puisse lui imputer quelques longueurs alourdissant le récit, tandis que le final est quelque peu soudain (un effet accentué par la coupe temporelle opérée par le film) ; de son côté Bennett Miller aura doté le tout d'une mise en scène vraisemblablement excellente (le prix n'est pas immérité), tandis que la photographie de Greig Fraser s'avère tout aussi efficace que sobre (au même titre que la BO, qui sert au mieux le ton obsédant du long-métrage).
Bref, Foxcatcher reconstitue avec réussite les tenants et aboutissants d'un drame proprement intéressant, car porté par des protagonistes pour le moins marquants ; reste qu'il s'avère aussi déconcertant que l’ambiguë John E. du Pont, à l'image d'une trame particulière à même d'interloquer.