N’ayant pas lu le synopsis avant de me lancer dans le visionnage de Foxcatcher, je m’attends alors à un mix de Magic Mike (qui colle à la peau musclée de Channing Tatum), de 40 ans toujours puceau (Steve Carrell) et de Hulk (Mark Ruffalo, toujours meilleur en second qu’en premier rôle, disons-le). Autant vous dire que le gloubi-boulga formé dans mon esprit ne fait pas long feu – une prise, à terre, une touche, me voici plongée dans l’univers de la lutte, inconnu jusqu’alors.
Une bien drôle d’histoire vraie que nous dresse là Bennett Miller, mélange de tragédie grecque et de farce américaine, dont le trio atypique et monstrueux se domine, se coach, se détruit. Steve Carrell est méconnaissable, à des années lumières de ses rôles (parfois) comiques, et brille d’un machiavélisme teinté de paternalisme et de patriotisme. Dialogues vaporeux, couleurs désaturées, ambiance brumeuse, le combat est plus que physique, il devient archaïque et allégorique. La violence est sourde mais présente, les corps-à-corps brutaux mais tendres, l’intimité oppressante mais captivante. La force physique se détache de la force mentale, et, la force athlétique de Mark Schultz, acheté tel un pur-sang par John du Pont, se perd à travers la force monétaire de ce dernier pour se rattraper sur la force paternelle de son frère, Dave. Une trinité agonisante d’individualisme et de dépendance à la fois, les trois hommes s’attirent comme ils se repoussent. La lutte comme métaphore ici semble être bien plus qu’une simple bataille de pouvoir, d’ambition d’être le meilleur. Non, ici la vraie lutte concerne l’affect et n’est que le seul moyen qu’ont trouvé nos trois personnages pour gagner un amour, une reconnaissance qu’ils semblent incapables de recevoir.
Loin des success stories à la Rocky, Foxcatcher dresse un regard désabusé et déshabillant sur la fin de l’ère reaganienne, mêlant habilement psyché et sport, grâce à une mise en scène sobre évoluant constamment dans une ambiguïté angoissante.