Foxfire : Une envie d'autre chose
C'est parce que j'ai beaucoup apprécié « Entre les murs » que je me suis intéressé à ce film de Cantet. D'abord car de son travail je ne connais que ça, ensuite parce que c'était l'assurance de ne pas subir un truc manichéen et chiant au possible. Pour son dernier film en date, le vainqueur de la Palme d'Or 2008 continue sur sa lancée en se livrant à nouveau au petit jeu de l'étude de l'effet de groupe et livre une nouvelle œuvre emplie d'une force insoupçonnée qui ravage tout sur son passage. En confiant à nouveaux les premiers rôles à de jeunes comédiens amateurs bourrés de talent, Cantet s'illustre à nouveau comme un directeur d'acteurs intelligents et capable.
C'est avec beaucoup de sincérité que le réalisateur français va filmer son groupe de jeunes filles en colères et alimentées par une flamme intérieure de révolte. À une époque où la femme doit se cantonner au rang de maîtresse de maison, élégante façon de dire bonniche, ces filles veulent plus. Plus de reconnaissance, plus de libertés, plus de droits, plus de tout et vont dans ce but décider de s'unir, former un gang pour être plus forte et vaincre les périls qui les attendent et auxquels la vie va les confronter. Menées par une jeune femme forte, pleine de détermination et qui n'a pas peur de se battre pour ses idées, elles vont tout tenter et souvent se perdre, en tant qu'individu aussi bien en tant que groupe, parce qu'elles vivent dans un monde injuste et qui ne les a pas fait parfaites, elles doivent faire face à leurs propres contradictions et leurs caractères et personnalités diverses qui les poussent petit à petit à voir les choses différemment, à vouloir des choses différentes. Difficile de dire qui a tort ou raison, si l'on peut regretter que cette force qui les animent toutes ne soit pas suffisante pour faire tomber leurs propres préjugés, c'est là le prix à payer pour nous rappeler que nous ne sommes pas en présence d'un conte de fée. Ce sentiment qu'au fil du temps certaines sont plus frustrées, plus hargneuses que d'autres, les poussant à devenir plus extrêmes, jusqu'à rejeter leurs sœurs de sang parce qu'elles ne partagent pas le même goût du rejet du monde extérieur et des hommes, se confrontant au refus de la meneuse des les bannir, confirme que ce groupe qui se veut salvateur pour les femmes opprimés n'est pas sans tâche. Elles n'incarnent pas un idéal d'un monde meilleur mais une volonté d'obtenir plus du monde dans lequel elles vivent, quitte à dépasser les limites et faire aux hommes ce qu'elles leurs reprochent. Et c'est finalement ce maelström d'émotions, de sentiments, d'opinions et de contradictions qui fait toutes la force de l’œuvre en présence.
Sans jamais prétendre à répondre à la question de ce qu'est une belle vie, ou une vie meilleure qu'une autre, Cantet ne se trompe pas. Il saisit la complexité de chaque existence et la difficulté de trouver sa voie en faisant le moins d'erreurs possibles, voir la nécessité de faire des erreurs pour avancer tout autant que le besoin de vivre différentes expériences. Avec un groupe qui évolue autant que ses membres, c'est tout autant une histoire de l'apprentissage de la vie, de la découverte de soi que de l'influence qu'ont sur nous les rencontres que l'ont fait et les gens que l'on côtoie.