J'ai mal à ma France

Bruno Dumont est un grand réalisateur, c'est ce que les critiques ont dit. Depuis, il semble qu'il se contente de réutiliser les mêmes formules qui ont fait son succès. Peut-on encore critiquer un de ses films sans risquer d'être soi-même attaqué pour ne pas avoir "compris" le film ?

Pourtant, il n'aura pas fallu plus de quelques scènes pour se rendre compte que quelque chose cloche dans France. Le film ne parvient à déterminer quel est son sujet : les médias, le burn out, la déconnexion des élites avec le peuple ? On finit par comprendre que le véritable sujet du long-métrage est sa protagoniste. Le reste n'est qu'une toile de fond, un prétexte ; aucun sujet n'est proprement traité ; et si le film ne s'intéresse pas à son contexte pourquoi devrions-nous nous en soucier ? Cette réflexion pourrait s'étendre au personnage de France autour duquel Dumont focalise son entière attention, et pour laquelle il a une profonde haine : il lui refuse tout moment de bravoure, tout destin. Il veut la voir souffrir. France pleure dans presque toutes ses scènes. A-t-il sciemment casté Léa Seydoux pour nous offrir une performance aussi limitée ?

Il édifie son chemin de croix avec une succession de sketchs destinés à montrer son ridicule. Objectif : destruction. Résultat d'une telle démarche : l'absence de cohérence de l'histoire ; les péripéties s'enchaînent mais sans lien logique. Rien n'a d'importance au fond : les évènements d'une scène n'ont pas la moindre répercussion sur le reste du film.

Ceci n'est pas aidé par l'absence d'écriture des personnages. France n'a aucun arc narratif cohérent : ainsi le film pourrait s'arrêter après son "départ" de la télé et nous ne manquerions rien, ou après son idylle à la clinique suisse, et ainsi de suite. Quant aux autres, ils n'ont aucune épaisseur, aucune prise avec le récit. Benjamin Biolay n'est là que pour être sacrifié au 3/4 du film. Et nous sommes sensés être ébahi par la logorrhée improvisée de Blanche Gardin, parodiant sans originalité le baratin des communicants. Quel personnage sous-exploité !

Concernant la tentative de satire sociale, Dumont manque complètement le coche, confondant "choquer le bourgeois à peu de frais" avec "commentaire social". Certains y trouveront leur compte, d'autres verront les grosses ficelles qu'il agite habituellement.

Avec tout cela, le visionnage se révèle une véritable épreuve de patience et lorsque l'écran noir vient libérer les spectateurs, il persiste alors un profond sentiment d'agacement. Mon avis est simple : France est un échec, aussi bien du côté du scénario, que de l'écriture des personnages et de son casting.