Dumont au sommet de son art. France offre a priori le portrait d'une femme installée tant professionnellement que personnellement et qui se met à douter de sa vie, du monde qui l'entoure, de son rapport à ses propres valeurs, au Bien, au Mal..., et qui pourtant, alors qu'elle voit que rien ne rime à rien, qui se remet en question, ne sait pas quoi faire. Sujet qui parle à tout le monde, et qui ici est encore plus jouissif tant la vie de cette femme est fondamentalement détestable, que son milieu professionnel est présenté comme pourri et que sa vie personnelle semble austère. On n’a qu’une envie, et elle aussi d'ailleurs, c’est qu’elle claque la porte, mais ce n’est pas si simple de tout plaquer après tout parce que ça veut dire quoi tout plaquer quand c'est le monde entier qu'on questionne. C’est cette douleur interne qui finalement nous fait s’éprendre cette femme qu’on a tout pour détester (et qu’on a envie de détester), mais qu'on aime profondément car y résonne une envie de révolte, et donc une once d'humanité face à l'absurde.
Et Dumont pousse encore le curseur. C'est que cette femme, qui prend conscience de cette sorte d'absurde camusien de l'existence, tente de se reconstruire, comme si l'absurde n'était pas une fin en soi, mais un début. Elle veut avancer, même si elle ne comprend pas ce qui l'entoure. Qu'il dépasse encore plus, en nous montrant les échecs de cette femme pour se reconstruire, que ce soit dans le travail, l'amour, la retraite spirituelle...
Et du coup Dumont nous fait aimer une femme que l'on devrait détester car en la voyant regarder autour, en la voyant poser son regard sur le monde, en la voyant tenter de se construire, on voit son humanité, on voit l'Humanité. L'Humanité face à l'absurde, et sa volonté de s'en sortir. Et c'est absolument magnifique car jamais Dumont ne le dit vraiment, il le fait ressentir au spectateur. France est un sommet de cinéma, en ce qu'il fait "ressentir" au spectateur, une des émotions la plus pure qui soit, si tant est que c'en soit une, celle de l'humanité, de la recherche de la beauté lorsqu'on est confronté au Mal, de l'acceptation de son sort et de la repentance face à l'absurde de l'existence. Toute la beauté du monde, tout la grâce ressort dans ce France de Dumont, qui bouleverse.

jean-taulier
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le 29 août 2021

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