Impossible de ne pas aimer "Frances Ha", qui fait se rencontrer la déprime un peu crasseuse de "Girls" (Adam Driver est même là pour le trait d'union) avec le burlesque intello woody allenien. Impossible de ne pas aimer Greta Gerwig, qui invente ici un personnage de loser lunaire qui réussit à nous enchanter autant qu'à nous irriter. Impossible de ne pas aimer la mise en scène de Noah Baumbach, veritable petit "auteur" - au sens de la "politique" d'antan - qui ose tout (l'image rosée et charbonneuse, le rythme décalé, les ellipses qui désarçonnent et frustrent - mais que s'est-il donc passé pour que l'on retrouve Frances ainsi "sauvée" dans la toute dernière partie ? -, le refus des moments forts comme des facilités "feelgood") et ne loupe presque rien. Il est possible d'être critique vis à vis de l'évacuation systématique de la sexualité, réduite à un sujet de conversation au même niveau que les films de la nouvelle vague. Il est possible même de s'ennuyer légèrement ci et là, cela fait même partie du jeu, mais il est tout à fait impossible de ne pas se laisser surprendre par le dérapage subtil du film d'un registre convenu - celui de la comédie vaguement "sociale" à la Woody Allen, justement, avec la description d'un petit monde bohème et intellectuel excessivement new yorkais - vers une noirceur dépressive beaucoup plus "près de l'os". Qu'importe alors si Baumbach invente généreusement une issue un peu improbable à la noyade sociale de Frances, la dernière scène, avec son clin d'oeil souriant au titre, conclut ce beau film sur une pirouette drôle, un peu absurde, certainement singulière.
PS : Et puis, même si ce genre de référence peut irriter certains spectateurs plus exigeants que moi, voir Greta nous faire son Denis Lavant sur "Modern Love", j'ai trouvé ça très, très beau !