Ce résumé est garanti sans beaucoup plus de spoilers que la normale.
Jon est un claviériste roux, palot et fade.
Beaucoup trop roux pour être vrai. Toute sa vie semble inscrite sur un galet qui ricoche sur une eau scintillante avant de se laissé emporter par les vagues sans jamais remonter à l’air libre.
Pour trouver de l’inspiration, Jon ne fait qu’observer ce qui l’entoure mais s’arrêtant à la surface, le résultat inévitable est pathétique.
Frank, lui, tout ce qu’il respire, touche, imagine, ressort en un charabia mélodieux où plusieurs univers se côtoient, si riches qu’on pourrait qualifier le personnage de dieu, créant de la matière sonore venu d’un autre monde.
« I dream of an angel to take me away »
Ces paroles de morceau sont de Jon, qui lâchera assez vite en guise d'auto-commentaire « a fucking madness song. » Son rêve se réalisera quand il ricochera sur Frank, il se sentira irrémédiablement investi d’une mission : sauver le groupe et contribuer à son succès, aux côtés du génie créatif, musicien et chanteur qui l’entraînera assez vite dans une spirale instable de folie. Néanmoins, il sera le seul parmi les autres musiciens à ne pas être assez timbré, voire à ne pas l’être du tout. Cette qualité/défaut est le début de son échec.
« N’arrête pas de croire, Jon ». Cette philosophie bien connue des artistes tout comme le talent faussement communicatif de Frank entretiendra Jon dans l’illusion de devenir important alors qu’il est un claviériste comme un autre, interchangeable autour de la personne de Frank. Il n’apparaît même pas sur l’affiche du film.
Frank est le personnage charismatique et énigmatique du film, il dissimule son visage sous une tête fabriquée. Selon son entourage, il est le gars le plus sain d’esprit de la troupe mais il finira, au sens littéral comme imagé, par perdre la tête. Tout le monde aime sa personnalité hors du commun, tout le monde en devient fou : Autour de lui, isolés dans un chalet pour répéter qui ressemblera à un asile psychiatrique, ses musiciens dégénèrent progressivement dans un tourbillon créatif où règnent absurdité et psychose, contraste fragile entre folie guillerette, libératrice, dérangeante, violente. Chacun finira par atteindre ses limites et franchir le pas de trop.
D’un naturel passif, Jon ne fera qu’assister à ça, n'étant décrit depuis le début comme un simple observateur. Bien qu’il désire à tout prix de se faire intégrer, il alternera l’acceptation et le rejet, on lui témoignera surtout du dégoût et de l’indifférence alors qu’il est possédée par toute la bonne volonté du monde. Même lors de sa plus grande réussite, quand il contribue à la renaissance de Frank et du groupe après une période de déroute totale, Jon n’existe déjà plus au regard du groupe.
« I dream of an angel to take me away »
Et si en vérité, c’était Jon qui venait sauver Frank, le révéler à lui-même. Mais Frank n’a pas besoin d’affronter ses démons, seulement de faire corps avec.
Jon qui vient sauver le groupe de son anonymat et le manager afin d’arrêter de se planter à chaque live à cause des tensions entre les membres, mais le groupe n'a pas ce besoin d’être reconnu par un vrai public pour se sentir exister.
Ils ne seront jamais meilleurs, en tant que groupe, en symbiose entre eux et musicalement, qu’isolés dans leur aliénation.
Le thème étant la création et l’autodestruction, les touches d’humour et de légèreté n’étaient jamais de trop. C’est déjà bien trop insupportable dans la vie réelle les artistes pesants et tarés qui se complaisent dans leur misère pour exister, ce qui signifie pas que je n'apprécie pas les personnalités atypiques, au contraire. Ce film met d'ailleurs plus en avant des personnages atypiques que des musiciens poussés par une quête de reconnaissance et d'accomplissement de soi et TANT MIEUX.
Même si Jon fait tâche, le type lambda qu’on déteste mais qu’on devrait plutôt aimer (mélange d’Ed Sheeran et Sam Gamegi à qui l’on filerait volontiers des baffes) car on est plus à être comme lui qu'à être comme Frank, il instaure un équilibre indispensable. Le sain/malsain. Le perdu/l'unité. L'inapte/le talentueux. Le fade/le flamboyant.
A noter que Frank en tant que personnage n'est jamais plus beau que lorsqu'il est pathétique et fragile, son vrai visage, et pas lorsqu'il fait preuve d'un talent hors du commun mais déjà mainstream. On doit voir la tête de Michael Fassbender pendant 5 min mais ces 5 min sont impeccables et d’une intensité que j’en ai un peu la larme à l’œil d’admiration. (mince ce spoil comme quoi Frank a la tête de Fassbender) et en plus il chante vraiment bien.
La preuve en images : https://www.youtube.com/watch?v=A_2HaVGvXdg
Et si malgré tous ces spoils enrichissant, vous n’êtes toujours pas convaincus quant à l’efficacité de ce film : ce film est bien mieux que toi. Hé oui.