Frankenstein s'est échappé, malgré son mauvais titre français, est un monument important du cinéma européen et même mondial. En effet, il s'agit du film qui a relancé la mode du cinéma fantastique dans les années 50, après l'essai italien des Vampires. La société de production Hammer Film Productions a ainsi pu renouvelé de nombreux mythes avec le trio magique Terence Fisher, Peter Cushing et Christopher Lee. Le succès de ces films a permis l'émergence d'autres cinémas fantastiques en Italie, Espagne, et même aux États-Unis (alors que le filon des années 30 s'était tari) avec les films de Roger Corman.
Pour ce faire, l'histoire a été complètement renouvelée dans un excellent scénario. Ici, la vraie star est Frankenstein lui-même et non sa créature (quel paradoxe)! En effet le traitement des films américains d'Universal, la performance de Boris Karloff et un nombre impressionnant de suites ont entrainé quelque confusion.
Donc le héros est une sorte de savant, non pas fou mais génialement cynique, manipulateur et égocentrique. La performance de Cushing le rend savoureux et non antipathique. Sa progression dans la mégalomanie et l'abjection est bien rendue.
Il faut attendre 45 minutes pour voir la créature : Christopher Lee recouvert d'une épaisse couche de maquillage bien dégueulasse. Bien que moins présent que Karloff dans ses films, et que Cushing soit la vraie vedette, il réussit à focaliser l'attention dans chacune de ses scènes.
Malgré ses clins d’œil aux films de Whale, ce film reste une œuvre irrévérencieuse, un peu comme les westerns de Sergio Leone. Ici, en plus du cynisme du "héros", nous avons droit à qqch d'inédit : du gore. De belles traînées de sang, des organes humains exhibés et une créature au corps en décomposition ont bousculé et choqué les publics bien avant Herschell Lewis puis George Romero.