(oui, j'assume pleinement l'intitulé de ma critique)
Le syndrome de la carte postale est un mal récurrent dans le cinéma d'auteur contemporain, mais jamais il n'aura été aussi voyant que dans "Frankie". Pour tout dire, le cadre luxuriant et architectural est à ce point mis en exergue par la photographie que le propos, les personnages, les dialogues passent totalement au second plan. Les acteurs sont là pour servir le décor et non le contraire comme il se devrait. Du coup, quand par exemple Jérémie Renier s'entretient avec Isabelle Huppert, j'ai eu l'impression d'assister à une discussion entre un chêne et un roseau (au sens propre). Ce fut quelque peu dérangeant... C'est là qu'on se rend compte qu'il n'est pas si aisé de chausser les bottes d'un Éric Rohmer, maître dans l'art de transcender la banalité du quotidien en une ode à la vie impressionniste.
Autre souci : l'aura faiblard. Si dans Little Men et Love Is Strange, Ira Sachs réussissait à insuffler un souffle émotionnel fort sans jamais tomber dans les pièges du sentimentalisme et du misérabilisme ; ici, de peur de se vautrer dans le pathos du fait de la thématique cancéreuse, il assèche tellement la trame qu'il pompe le récit de toute émotion et empêche l'empathie de naître chez le spectateur. Le dispositif choral, les trop nombreux personnages et la durée trop courte finissant de réduire à peau de chagrin la puissance affective du film. Par contre, s'il y a un truc que le cinéaste gère toujours à merveille c'est la ponctuation finale. Une petite splendeur ce dernier plan...
À l'arrivée, on ressort du visionnage de "Frankie" avec un sentiment d'indifférence, l'impression d'avoir visité le musée Grévin relocalisé dans une hacienda et le pied droit engourdi.