Frantic

Le moins qu'on puisse dire est que Roman Polanski a touché ou s'est essayé, avec succès, à bien des genres de film. De "Rosemay's Baby" à "J'accuse", de "Tess" au "Pianiste", de "Répulsion" à "Oliver Twist", et on pourrait encore aligner des couples de films qui n'ont rien à voir entre eux. Et de mon jugement, probablement très hâtif, aucun de ces films ne laisse indifférent.

Frantic, que j'ai volontairement oublié dans la liste ci-dessus, que j'associerais peut-être à Chinatown dans l'esprit, est un thriller plutôt haletant.

Le titre d'abord : le sens commun de "frantic", c'est frénétique. Bon, j'ai dit haletant, je n'irai toutefois pas jusqu'à frénétique. J'ai longtemps pensé, mais je pense que j'ai tort car je n'en ai jamais eu de preuve, qu'il y avait une allusion à la France dans le titre ou une espèce de rapprochement. Comme Chinatown fait clairement allusion au quartier chinois de Los Angeles.

L'histoire, qui en vaut bien d'autres, est la subite disparition de l'épouse d'un cardiologue américain en visite à Paris pour un congrès médical. Tourneboulé par cette disparition (inquiétante, comme on dit aujourd'hui), notre cardiologue prend les choses en main pour tenter de découvrir le pot aux roses devant l'inertie générale de la police française et même de l'ambassade américaine. Et comme dans Chinatown ou dans une moindre mesure "le locataire" (qui se passe aussi à Paris), c'est un parcours (initiatique ?) qui va passer par les bas-fonds parisiens que Polanski va nous offrir pendant environ 2 heures. On n'est pas tout-à-fait dans le Paris des cartes postales.

Comme assez souvent dans le genre (Hitchcock et tant d'autres), c'est l'histoire d'un gars absolument pas préparé à ce type d'aventure. Ici, en plus, il y a le caractère équivoque du touriste (étranger) qui porte plainte pour la disparition de son épouse dès son arrivée à Paris, la ville-lumière, la ville de tous les plaisirs, sous les sous-entendus ironiques et narquois du personnel de l'hôtel ou de la police. Il y a plusieurs choses qui m'amusent toujours quand je vois ce film. D'abord, l'américain (Harrison Ford) ne parle pas français ce qui est un lourd handicap même à Paris. Mais quand même. Dans la scène chez les flics, les français parlent entre eux et ricanent jusqu'au moment où Harrison Ford se fâche car il sent qu'on se fout de sa poire ; l'inspecteur (Y. Renier, excellent) reprend son sérieux et dans son meilleur anglais claque le beignet d'Harrison Ford (au figuré naturellement). J'ai trouvé ça très bon. Un autre point que je pense tout-à-fait voulu de la part de Polanski, c'est de montrer toute la morgue qu'un américain – moyen - porte en lui quand il est à l'étranger où les flics et autres administrations ne sont que des incapables et où tout le monde devrait s'arrêter de respirer à son passage. Et quand H. Ford réclame des moyens musclés à l'ambassade américaine pour retrouver sa femme, on lui répond, heureusement, quand même, que dans un pays ami, ça ne se fait pas vraiment …

Harrison Ford est excellent dans son rôle et est finalement assez crédible.

Emmanuelle Seigner tient aussi très bien son rôle de petite toxico débrouillarde dans le genre plutôt cupide ; c'est son troisième rôle après avoir été découverte par Godard (nul n'est parfait). Il paraîtrait même, pour les amateurs de carnets mondains, que Frantic fit qu'elle devint Mme Polanski à la ville.

Au final, c'est un film qui se regarde volontiers, dont le suspense est assez rapidement captivant et tient en haleine le spectateur tout au long du film.