"... On jurerait qu'il est mort de FRAYEUR..."
Lucio Fulci s'est imposé tour à tour comme le maitre incontesté du cinéma d'horreur, puis comme son fossoyeur.
Eh oui, les années 80 n'ont pas été facile pour tout le monde, et si Dario Argento réussit encore quelques coups de génie, Fulci s'effondre après l'Eventreur de New York.
Son parcours est pour le moins chargé, entre comédies italiennes bien grasses, films d'aventures, gialli de bonne qualité, thrillers mystérieux flirtant avec le fantastique, deux intéressants westerns tardifs, mais assez rapidement se dégage de son cinéma une imagerie particulière, un rapport à la chair en tant que matière, texture fragile et malléable, ainsi qu'une tendance prononcée pour une forme de sadisme assez personnelle.
Si tout ceci n'est là qu'à l'état de trace auparavant dans son cinéma, cantonné à une ou deux scènes dans un film ou l'autre, il franchit le cap avec L'Enfer des Zombies, un film un peu décevant mais dans lequel se succèdent les scènes d'anthologie, soit en terme de cruauté (jamais un oeil crevé aura été plus douloureux à regarder qu'ici), soit d'absurdité (un duel entre un requin et un zombie!).
Mais là où ce film se distingue des autres films de zombies de son époque, qui, depuis la Nuit des Morts-Vivants de Romero en 1968, se mettent à apparaître de plus en plus fréquemment à l'écran, c'est que ses zombies sont démoniaques. Fini les explications pseudo scientifiques à coup de produits chimiques, ses zombies s'échappent des enfers, sont maudits. Imagerie vaudou et rapport emprunt de voyeurisme, voire parfois de sensualité à la chair meurtrie, ce film, malgré ses défauts, pose des bases thématiques et esthétiques.
Frayeurs s'affranchit de toute tradition pour continuer dans la voie qu'il a tracé précédemment.
Là où la plupart des films d'horreur jouent sur l'indétermination, le doute, "est-ce mon imagination ou y-a-t-il vraiment quelque chose de bizarre ?", chez Fulci, pas de questionnement, tout est posé clairement. Le Mal est là, il est ultra méchant, et on est là pour en chier sévère.
Le pitch tient en une ligne : un prêtre se suicide, acte blasphématoire qui a pour conséquence de laisser la porte des Enfers entrouverte.
Et c'est partie pour une fuite en avant sans échappatoire ponctuée de scènes choc n'épargnant rien ni personne.
Deux scènes qui tiennent de la prouesse technique ont malheureusement été coupées dans nos salles et dans la plupart des éditions vidéos, une jeune femme vomissant douloureusement l'intérieur de son corps, lentement, et une scène impliquant une perceuse fixée sur support et une tête. Elles sont heureusement de retour depuis la hype autour de Fulci dans les années 90.
Il est difficile de considérer ce film comme un film de zombies tant il perturbe les codes habituels du genre.
Le scepticisme de certains des protagonistes est utilisé de façon humoristique, et les conclusions des flics et des médecins font sourire.
Le reste fout la nausée et fait un peu peur. Comme à l'habitude de Fulci, les enfants morflent, ce type est sans pitié.
Malgré ses maladresses et le jeu de la plupart des acteurs, ce film est une pierre angulaire du genre, La surenchère de violence et de sang ne tombe pas dans les poncifs du genre ni dans le grotesque qui sera la marque de fabrique des films "gore" à venir, et rare sont les scènes qui ne marquent pas, pour une raison ou une autre.
Fulci franchit un nouveau cap ici, accomplissant ce qu'il avait esquissé dans son précédent film, s'affranchissant de l'accessoire pour se pencher sur l'essentiel.
Le titre comme annonce d'un programme auquel il se tient scrupuleusement, sans s'encombrer de pseudo justifications.
Le personnage principal, c'est le Mal, et il le sert bien.
Mais si une étape est bien franchie ici, c'est avec son film suivant que Fulci accomplit sa mission au sein du cinéma d'horreur.
(si ça vous tente, rejoignez moi dans l'Au Delà pour que je puisse vous présenter un des 3 films d'horreurs que j'aurais rêvé de voir lorsque j'étais au collège)