Remarque préliminaire : critique écrite à la sortie du film en 2022.
C’est un film hors du commun, véritablement unique qui est sorti sur les écrans français le 30 mars 2022. A mi-chemin entre le fantastique, le drame historique, la comédie noire et le film d’aventure, Freaks Out raconte les péripéties de la jeune Matilde et de ses trois compagnons, tous dotés de pouvoirs étranges et artistes de cirque en pleine seconde guerre mondiale. Entre les rafles, les bombardements et la vedette d’un cirque nazi doté du pouvoir de voir l’avenir qui tente à tout prix de les capturer, les freaks vont devoir batailler pour survir, au risque de se séparer.
Certains ont qualifié le film comme d’une fusion entre le style trash et l’humour noir de Dupontel, et le fantastique, la fantaisie des films de Guillermo Del Toro. En réalité, c’est un film d’un genre unique, ou plus précisément un patchwork entre plusieurs genres, ce qui lui donne une ambiance de fantaisie burlesque mêlée au réalisme le plus dur de la guerre. Il n’est bien sûr pas le premier à s’inspirer de différents genres cinématographiques pour créer un film, mais cela reste un exercice difficile qui se traduit ici par une réalisation spectaculaire.
On y voit une volonté de se détacher du réel cependant. Mainetti ne recherche pas le réalisme à tout prix à travers le cirque nazi et son dirigeant extravagant, ou même à travers le groupe de résistants italiens éclopés qui parviennent à survivre et même à gagner face aux nazis. Même les décors sont très archétypaux, très identifiables et définis, mais donnent une impression troublante de réel et de cohérence.
Freaks Out existe dans son propre univers, il manœuvre dans une diégèse, un récit propre et quasiment détaché de toute logique historique, et cependant bien ancré dans notre réalité grâce à la multitude de langues qu’on y entend et qui nous sont familières, de l’italien à l’allemand en passant par le français et le yiddish. C’est peut-être pour cela que le film parvient si bien à accrocher l’attention et ne pas la lâcher tout au long de ses deux heures vingt. On voyage dans un monde imaginaire tout en gardant les pieds sur terre.
La lumière s’affranchit aussi de toute notion de réalisme ; une forte lumière blanche qui parvient sans raison d’un coin de forêt sombre, une brume irréelle et un champ de bataille de nuit illuminé comme en plein jour… Tout ceci est incroyablement cohérent dans l’univers fantaisiste du film, et en même temps permet de communiquer quelque chose sur la symbolique de ce récit et ce que l’on doit y déceler.
De plus, les personnages sont moins archétypaux que l’on pourrait penser, et sont pleins de nuances et de subtilités qui en font de vrais bons personnages, des individus à part entière que l’on prend plaisir à suivre, encourager ou même détester et prendre en pitié.
Il est aussi important de souligner que, non content de montrer le fantastique, la comédie noire, le film historique et le film d’aventure, Freaks Out propose une exploration du film de super-héros à travers un prisme très différent de celui des grandes productions qui ont l’hégémonie sur ce genre. Le mythe du super-héros et de sa création est revisité à travers le personnage de Matilde, et montre ainsi une alternative. Avec ce film, on peut enfin voir les véritables racines du film de super-héros, la série B créative et fantaisiste.
A travers son exploration explosive des genres cinématographiques, Mainetti construit un récit vibrant, vivant, un film ambitieux et purement européen qui explore notre rapport à l’Histoire, l’humour, les légendes, et les traumatismes.