Ou comment joliment enrober une insulte envers son public

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas ce qu'on trouve à ce film qui veut être absolument cool et qui avait la meilleure team de marketing à ses côtés pour savoir qu'est ce qui sera validé comme cool dans ce film par Youtube/Insta/Tik Tok/Twitter. Je ne comprends pas comment l'écran de fumée que constitue "Free Guy" peut autant marcher au point que personne ne voit le truc.

D'abord, oui je suis un joueur de jeu vidéo fréquent, pas passionné, mais fréquent. Rien qu'après cette phrase, j'ai l'impression que je dois justifier mon pedigree, donc récemment j'ai autant fait des gros triples A comme "Jedi Fallen Order", "Red Dead Redemption 2" ou la conclusion de la série Batman Arkham avec "Arkham Knight" qui aura transformé le joueur adolescent que j'étais. J'ai pris autant de plaisir à côté à découvrir des jeux indés comme "Florence", Bury Me My Love", ou à rejouer à "Flower". J'ai vécu une expérience émotionnelle formidable en jouant à "Life Is Strange 2" et "A Plague Tale" mais j'ai également exploré les années 2000 en découvrant récemment "Psychonauts" de Tim Schafer où en refaisant la saga "Lego Star Wars" dans toutes ses formes. Je ne suis pas un gros joueur online, mais je me lance sans souci parfois une game sur "Battlefront 2", "Fortnite" où "Fall Guys". Et ça, c'est uniquement côté pc, parce qu'une fois ma tour éteinte, je prends ma switch et je me lance un "Mario Kart", je continue ma 3eme game de "Breath Of The Wild", et je me fais plaisir sur des jeux à nouveaux indés comme "A lost phone" où "Rogue Legacy".

Et rien que là, je viens de faire quelque chose de très peu agréable, à savoir utiliser mon cv 2021 de joueur pour montrer qu'en jeu vidéo, les joueurs curieux comme les cinéphiles curieux varient entre les genres et les plaisirs. Si on vous avait donné un blockbuster disant que ceux qui vont voir des blockbusters sont tous des idiots toxiques qui consomment au sein d'une industrie ultra-capitaliste et abrutissante (.... Birdman ?), vous auriez été furieux. Et je ne comprends pas pourquoi on pardonne à "Free Guy" de faire de jolies petites cases bien clichés pour traiter du jeu vidéo, au prétexte que Ryan Reynolds, Taika Waititi, Ninja, 2 bonnes idées par-ci par-là et masse de trucs en background pour les curieux, mais dont on se fout si on ne met pas le film en pause ça remplit des kilomètres d'avis positifs et de débats enjoués sur Reddit, c'est cool. Tout ça, c'est du bonus, mais l'écriture, l'humour, et la représentation du jeu vidéo c'est le premier plan du film, c'est le plus important, et je ne comprends pas que ça passe.

"Free Guy" est vicieux, car ça se voit que le scénariste est conscient que des problèmes existent dans les communautés jeux vidéos (il a dû ouvrir deux fois tik tok et tomber par mégarde sur une blague sexiste fait par un couillon en live sur GTA Online) pour faire deux belles cases: on a les gros jeux triples A pour les joueurs abrutis qui veulent casser le jeu et tuer à tout-va, et les "vrais joueurs" de jeux "vraiment sincères" à savoir les développeurs indés qui eux veulent faire un gentil jeu où tu ne tues personne parce que c'est ça d'être un joueur "bien".

Sauf que déjà, c'est baisé et biaisé de penser comme ça. Les jeux fait par les gentils indés, ça peut être par exemple ceux venant du studio "Devolver", dont le gros jeu de massacre "Hotline Miami" 1 et 2 par exemple. Et de l'autre côté de la barrière, on peut voir des joueurs fiers de montrer qu'ils se comportent bien en jouant Arthur Morgan dans "Red Dead Redemption 2", en allant faire les quêtes pour aider les gens où en ramenant des femmes perdues dans le desert après un accident jusqu'à la ville la plus proche. Donc "Free Guy" tes deux jolis petites cases, tu te les gardes, tu n'es pas le messie qui va nous montrer comment jouer aux jeux vidéos, personne ne t'as attendu pour ça. Tu es un film qui a vu dans ses recommandations la vidéo du gougnafier qui a tué la féministe dans "RDR2" et qui en a conclu que le triple A devait être purifié par saint Reynolds.

J'adore d'ailleurs ce film qui se prétend progressiste et qui se vend à travers ses dialogues comme celui qui doit montrer la voie vers le progrès pour les joueurs, mais qui s'éclate à montrer le cliché du puceau de 26 ans qui vit encore chez sa mère et qui se branle dans une chaussette. Moment génial où j'ai bien entendu la salle rire et se moquer grassement. Merci "Free Guy", les gens ont raison t'es tellement 2020. Tu n'aurais pas voulu tomber dans les clichés, tu aurais repris le fait que des mecs beaux gosses et bodybuildés sont des gros geeks, comme Henry Cavill. Merde t'aurais même put essayer d'appeler Henry pour le faire venir, et ça aurait été incroyable.

Et je trouve ça tellement sale d'utiliser l'évolution de la société et des mœurs pour se donner un côté "on est un gentil film que vous allez forcément valider" et de faire tellement de trucs horriblement écrits derrière. C'est malsain, c'est purement malsain. Il n'y aucun effort pour comprendre les codes d'un jeu vidéo online (montrer un joueur qui lague sur une poutre ce n'est pas comprendre le jeu au passage), d'à quoi le jeu tel que les gens de la vraie vie le voient doit ressembler pour que ce soit un tant soit peu réaliste (même si on ne parle pas graphismes, les caméras, c'est comme ça qu'on voit voyait le jeu vidéo dans les années 90/2000). Je ne vais même pas parler des incohérences pour faire des trucs jolis à l'écran sans aucun sens (un serveur ça ne marche pas comme ça.), et je pense que je vais bientôt stopper cette critique qui de toute façon ne doit plus vous intéresser à ce stade.

L'écriture est atroce, la réalisation est plate, l'humour est préhistorique, la représentation des jeux vidéo est aux fraises, la représentation des joueurs ne prend jamais en compte qu'un joueur triple AAA peut également ne pas être un abruti, l'utilisation de caméos nuls comme les streamers / youtubeurs où d'acteurs comme Hugh Jackman est une pure réflexion de marketeux en digitale avec des stratégies dignes de Webedia, et je déteste ce film. Je déteste qu'on peut encore valider ce genre de représentation de jeux vidéo quand des choses bien mieux que ça existent déjà.

Je ne comprends pas que parce qu'une marque d'alcool a fait un placement de produit en hologramme en écrivant dessus "placement de produit évident", tout le monde valide ce film. Je ne comprends pas qu'on fasse l'impasse sur énormément de défauts du film (les trous de scénarios, les personnages qui mettent trois plombes à comprendre un truc évident). Je ne comprends vraiment pas, et j'ai l'impression d'être un vieux con qui mange sa compote dès que je parle de mon rapport à ce film. J'ai détesté "Free Guy", j'ai détesté voir des gens qui ne comprenait rien aux jeux vidéo utiliser des gimmicks et des trucs que les gens aiment bien de notre époque pour que le grand public ne voie pas le problème, c'est l'équivalent de "Space Jam 2" et "Pixels" mais c'est autant polissé que la vidéo du dimanche de Mcfly et Carlito pour qu'on en ressorte content. C'est facile, sans aucun effort, irrespectueux, ça utilise des vrais problèmes du jeu vidéo pour faire des raccourcis de la taille d'une autoroute, et vous remarquerez que vu que je suis un vieux con qui bouffe sa compote, je suis en train de répéter une forme de style grammaticale que j'ai déjà utilisé il y a deux paragraphes de cela.

Ce soir, je vais allumer mon pc, découvrir "Twelve Minutes" où aller faire du cheval dans "Red Dead 2", où essayer de terminer ce niveau de "Spyro Remastered" où je suis bloqué parce qu'il me manque un dragon à trouver pour continuer de sauver mon monde magique et coloré. Peu importe à quoi je jouerai, je vivrais une relation plus saine entre moi et le jeu vidéo qu'entre le jeu vidéo et "Free Guy".