Fort de ses premières expériences couleurs sur Le fleuve (film américain tourné en Inde) et Le carrosse d’or (son retour en Europe, par l’Italie) Renoir semble tourner French Cancan (Son retour en France depuis son exil américain en 1940) pour toutes les vertus que lui offre le Technicolor. C’est en effet un véritable ballet de couleurs vives qui rythme chaque séquence, dansée ou non, avec comme objectif de faire de son Montmartre de studio un petit théâtre plein de vie, fait de liesses et de bagarres, de petits drames et de grands moments de joie. Une ode à la petite vie parisienne, en somme. Pas évident d’entrer dans son tempo mais c’est typiquement le genre de film qui monte en puissance au fil des minutes, d’une part car on accepte ce qui au départ peut nous gêner, d’autre part car son dernier acte (et sa façon de glisser vers ce dernier acte) soit celui de la représentation dont on parle très rapidement dans le film, est un hallucinant portrait de la scène, des coulisses et de la salle des convives dans une spirale mise en scénique d’une beauté folle. Auparavant, le film est rythmé par l’histoire de Nini, atteint du syndrome du Fear of missing out, dont le cœur est ballotté entre trois hommes, et notamment cette idée géniale du prince charmant trop charmant pour qu’on le garde. Bref, si le film tombe par instants dans une hystérie franchement embarrassante, le tourbillon final dansant efface les réticences quant à ce qu’on vient de voir d’un film un peu trop vieille France dans le texte et la réalisation. Et puis Gabin ne vampirise pas trop le projet et s’avère être l’alter ego de Renoir tout au long du métrage (Il veut créer avant tout) qui plus est lors de cette ultime séquence où il choisit de vivre son show des coulisses, à l’oreille, en espérant qu’il ne s’arrêtera jamais. C’est très beau. Comme souvent dès qu’on suit davantage les coulisses que la représentation (Citons pas du tout au hasard : Opening night, le chef d’oeuvre de Cassavetes) ça me touche infiniment.