Un film qui a sans doute vieilli en 2023 mais finalement mémorable en raison d’une noirceur de traitement assumée et d'un aspect « documentaire / reportage » plongeant le spectateur au plus près de la réalité des deux officiers de police placés au coeur de l'intrigue.
Le duo Gene Hackman / Roy Scheider
(acteur que j’apprécie) fonctionne bien et est complémentaire, l'ardeur du premier étant régulièrement tempérée par le côté plus réfléchi du second.
Cependant cet aspect "reportage" qui reflète fidèlement le travail minutieux d’enquête et de filatures (dignes d’un autre temps, à une époque où les téléphones portables et les drones n’existaient pas) amène des longueurs. Ces longues scènes de filature mises bout à bout peuvent donner l’impression d’un manque de "structure" du film, impression renforcée par la fameuse scène de poursuite entre la voiture et le métro. Etirée à l’excès, Friedkin semble vouloir rappeler que le métier d’enquêteur comporte aussi son lot de dangers et d'adrénaline et ne consiste pas qu'à se planquer dans une voiture en buvant des cafés.
Quelques incohérences m'auront également dérangé
(des filatures peu discrètes à la limite du risible notamment dans le métro, l’attaque du sniper - pourquoi ne pas descendre Popeye dans le hall de son immeuble ?)
atténuant l'éclat de French Connection. Finalement, ce sera la dernière scène, voire même le dernier plan, qui m’aura le plus marqué par sa brutalité et la tension (enfin ?) dégagée : lorsque Popeye, déterminé, pénètre dans cette usine désaffectée, il abandonne également une partie de son âme pour franchir définitivement la ligne séparant le bien et le mal. Cette bascule psychologique est selon moi parfaitement retranscrite par l'environnement hostile de ce lieu désaffecté, beau et laid, lumineux et sombre à la fois.
Dans un film aussi radical que French Connection, personne ne sort véritablement gagnant de cette guerre contre le trafic de drogue : quelques morts, parfois injustes, des condamnés, parfois avec des peines réduites, et des flics ayant abandonné une certaine part d’humanité.
PS : cette réalisation nerveuse quasi-documentaire se retrouve dans Cruising, également porteur d'une noirceur et d'un désespoir très "friedkiens".