Il y a des cinéastes que je peux placer dans un style, dans une période précise de leur carrière, dans leurs thématiques, parce que je les apprécie, parce qu'ils me donnent envie de les connaître. Mais je ne pourrais pas le faire avec Arnaud Desplechin. La raison en est que je n'avais vu jusqu'ici qu'un seul film de lui, La Sentinelle (son premier long-métrage d'ailleurs !), dans lequel le réalisateur réussissait l'exploit de rendre un sujet, a priori passionnant, d'un ennui total par une volonté d'hermétisme qui est synonyme, non pas d'ambition pour surprendre et captiver le spectateur, mais de quelqu'un qui se regarde un peu trop le nombril. Ah oui, désolé, j'ai failli oublié l'oubliable Esther Khan, contant un surpassement de soi ne demandant que de la passion, de l'émotion, mais qui est aussi chaleureux que l'iceberg sur lequel a buté le Titanic. En fait, deux...


Autant dire que je n'avais pas eu envie de me plonger plus en avant dans son oeuvre. Mais on ne peut pas juger d'une filmographie entière en ne se basant que sur deux de ses représentants. Tout le monde, y compris les plus grands, peut avoir ses plantades. Ce qui fait que je me suis laissé aller à une troisième chance (jamais deux sans trois !) avec ce Frère et Sœur.


Alors c'est une sœur qui déteste son frère pour des raisons assez vagues. Peut-être est-ce par rapport au fait qu'elle ne soit plus la seule artiste à recevoir de l'admiration après que le frangin, non sans quelques bonnes années de galère, parvient à son tour à se distinguer. Cela ne serait pas d'une absence complète de crédibilité. Paul Claudel a bien laissé pourrir Camille trois décennies entières dans un asile pour ce même type de jalousie. Bref, pour les motifs, je veux bien. Et, en outre, la haine, comme l'amitié ou l'amour, peut être dénuée de rationalité.


Par contre, c'est quoi cette accumulation de séquences aussi hystériques les unes que les autres, ne faisant pas vraiment avancer le schmilblick sur les plans du récit et de l'évolution des personnages, entrecoupées de situations sonnant faux (Euh, il y a une malédiction faisant perdre le contrôle de leur véhicule à toutes les personnes qui conduisent sur cette route ? Il n'y avait pas des scénarios d'accident un peu crédible, genre un sanglier qui se pointe au dernier moment ou un instant d'inattention ou un virage pris un peu trop rapidement ? Et sur ce truc en Afrique ? Pitié, si vous pouviez éviter la caricature de l'occidental(e) qui va se ressourcer sur ce continent pour trouver la paix intérieure et parce que ça fait genre "j'en ai quelque chose à foutre de l'Afrique et de ses habitants alors que j'ai déjà du mal à sortir du VIIIe". Et l'intrigue avec la Roumaine qui ne sert à que dalle et qui se contente de nourrir le cliché de la fille de l'Est qui crève forcément la dalle ? Ce n'est pas comme si, en plus, au lieu de le perdre pour ces conneries, le temps aurait été mieux employé à essayer de bien creuser l'histoire, les personnages, leurs relations !).


On a le droit aussi à des protagonistes, à qui j'ai eu envie de décocher des claques toutes les cinq secondes, ne trouvant pas mieux que de s'engueuler ou d'engueuler pour le plus minuscule truc riquiqui de rien du tout. Oh, tiens, tu viens discuter avec moi amicalement. Bon, il faut que je trouve immédiatement un prétexte à la con pour provoquer un conflit. Avec en bonus, une distribution en total roue libre qui croit qu'essayer de rentrer dans le Guinness Book en voulant battre le record dans les domaines du hurlement et de la pleurnicherie est le meilleur moyen d'être convaincante. Mention (dés)honorable à Melvil Poupaud qui y va encore plus "à fond" que les autres. Tout ceci est une très bonne publicité pour le Lexomil.


Ah oui, dans le monde de Desplechin, Internet n'existe pas. Personne ne l'utilise. Tout le monde prend une feuille et un crayon pour communiquer. L'e-mail ? Messenger ? Le SMS même ? Vous savez les machins que l'on tape compulsivement avec ses petits doigts sur notre téléphone tout en s'agaçant de la correction automatique ? Non, ça ne vous dit rien ? OK !


En résumé, Frère et Sœur est la caricature de l'oeuvre de bobos parisiens auto-satisfaits qui, non seulement, n'ont jamais posé le moindre regard sur le monde réel, mais qui, en outre, sont incapables d'écrire un scénario correct. Le genre de cinéma français que les Inconnus ont parodié avec leur génie et leur justesse habituels dans quelques-uns de leurs sketchs. Bon, je ne vais pas me presser pour visionner un quatrième film.

Plume231
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le 22 mai 2022

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