Cronenberg ou les 120 Journées de Sodome.
David Cronenberg, tout le monde le connaît, mais s'il y a une oeuvre compilant toutes ses idées et influences, c'est bien celle-ci. Pourtant rien n'avait prédestiné cet auteur, qui avait mal commencé, à s'aventurer dans le monde de l'horreur et du fantastique, mais force est de constater que le résultat se sera montré plus que probant.
Dès le début, il nous balance une scène d'une cruauté inouïe, sans musique, ou simplement une légère percussion, où un homme brutalise une jeune femme avant de l'ouvrir au scalpel et se trancher lui-même la gorge. On ressent immédiatement le talent qu'a l'auteur à installer une atmosphère nauséabonde, et contrairement à d'autres de ses oeuvres allant crescendo (Rage !, Chromosome 3...), il ne perd pas de temps, dirigeant le tout tambour battant, livrant des scènes renouvelant sans cesse leur originalité, baignant dans le sexe et l'horreur, jusqu'à atteindre des limites mettant vraiment mal à l'aise. La scène la plus troublante sera sans conteste celle où une enfant, contaminée elle-aussi par le gène mutant, participera à un viol collectif sur un homme. Et oui, The Human Centipede, malgré les qualités qu'on lui connaît, a du mal à tenir la comparaison face à un tel débordement de répugnance.
Bref, Frissons est une oeuvre unique, lançant un grand coup de pied dans les burnes d'un registre qui tournait en rond depuis des années (entre vampires, loups-garous, cannibales, pseudo king-kong et autres films d'exploitation). Cronenberg pose ses marques, et annonce tout de suite qu'il sera à classer parmi les meilleurs créateurs du genre, et surtout les plus prolifiques. Qui plus est, même s'il nous sert tout ce qu'il réutilisera par la suite, à savoir la Femme à l'origine du mal, médecine, chirurgie, manipulations génétiques, horreur glauque et purs instants de folie, il aura su continuellement renouveler sa formule afin de ne pas nous donner l'impression de voir sans cesse la même chose.
Evidemment, la production est Canadienne et peu fortunée, mais malgré tout, les effets restent corrects et relativement crédibles, avec des parasites inspirant immédiatement ce que Cronenberg souhaitait, à savoir des phallus, et si doute il y avait, confirmera la chose au travers d'une séquence où une femme est pénétrée de force par l'un d'eux alors qu'elle prend son bain. Pour le reste, les effets-spéciaux n'ont été que finalement peu utilisés, le réalisateur préférant créer le choc avec des situations plutôt que du grand-guignol, il balance en flux tendu tout ce que la bienséance réprouve, on a du viol, de l'inceste, des femmes promenées en laisse, des hommes se caressant entre-eux aussi bien que des femmes, aucune limite n'est imposée.
Côté casting il n'y aura que le personnage principal, incarné par Paul Hampton, qui décevra un peu, son manque d'expression ne suscitant que peu d'intérêt quant à sa destinée qui semble toute tracée. Heureusement le soutiennent Joe Silver (que l'on retrouvera dans Rage !) et Lynn Lowry, tous deux bien plus charismatiques.
Pour conclure, si l'envie de plonger aux sources de ce qui inspirera plus tard à l'auteur Videodrome ou Rage !, ne loupez pas cette oeuvre instigatrice qui mettait en place son univers si particulier. A l'inverse, si limites de la perversion vous révulsent, allez voir ailleurs, auquel cas vous risqueriez d'être marqué à jamais par ces visions putrides.
Mention spéciale pour la superbe Lynn Lowry, au minois ressemblant curieusement à une Bjork blonde. Elle sublime l'oeuvre par sa beauté et vient contrebalancer ce putride ballet.
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