Une sympathique Furie sans fureur.
En 1978, Brian De Palma, fort du succès de Carrie au bal du Diable, songe à continuer sur sa lancée fantastique et envisage un nouveau film sur les pouvoirs parapsychologiques. Ne pouvant réaliser l’adaptation d’un roman qu’il souhaitait, il se rabat sur le scénario de Furie, comportant également de la télékinésie. Une certaine connexion s’effectue alors avec Carrie, notamment par le genre, mais aussi par la présence d’Amy Irving, survivante du précédent film de De Palma. Au fur et à mesure de l’avancement de sa carrière, on a considéré Furie comme un film mineur du réalisateur, si ce n’est pire. Néanmoins, s’il demeure en effet quelque peu mineur, Furie est loin d’être dénué de tout intérêt.
Le problème de Furie est justement qu’il fait suite à Carrie mais n’a pas la même ambition. De manière générale, on sent un Brian De Palma moins passionné derrière la caméra, bien que toujours enclin à nous faire partager son grand talent cinématographique. C’est avant tout l’histoire et ses personnages qui posent problèmes. Les enjeux paraissent flous pour le spectateur qui peine à rentrer dans le jeu des intervenants. Se déroule ainsi une trame classique comportant complots, pouvoirs cachés et vengeance qu’on suit avant tout pour quelques séquences qui atteignent des pics d’efficacité redoutables.
Il y a pourtant dans Furie suffisamment d’éléments narratifs pour constituer une histoire solide, notamment avec cette organisation secrète cherchant à exploiter le pouvoir de ceux qui maitrisent la télékinésie. Néanmoins, on a constamment cette impression d’un manque d’ambition de la part de De Palma. On peine à croire finalement dans cette organisation qui en impose peu. Lors de certaines séquences, ces fameux pics, on sent de nouveau un De Palma en pleine forme qui joue avec ses éléments. On en retient une séquence où Amy Irving, prise d’une vision, est incrustée dans ce qu’elle imagine. Le résultat est bluffant de modernité et évoque un style encore très peu vu jusqu’à l’avènement du numérique. Idem lors d’une séquence de fuite, filmée intégralement au ralenti : certes moins moderne, mais terriblement prenant.
C’est finalement là qu’on se rend compte du problème du film : les moments bateau ou banals s’enfoncent devant la maitrise inouïe de plusieurs séquences. Malheureusement, ces séquences ne sont pas assez nombreuses pour qu’on passe totalement outre les baisses de rythme ou d’intérêt. La réalisation est de manière générale de haute volée, ce qui rend le film plus fluide et nous persuade ainsi qu’il dispose également de bien des qualités à offrir au spectateur.
Au-delà les talents de metteur en scène de son auteur, on retient un casting de charme, notamment grâce aux présences de Kirk Douglas et John Cassavettes. Si le caractère méthodique, brumeux et parfois inquiétant de Cassavettes ne surprend pas forcément, on ne peut que s’étonner de cette vision de Kirk Douglas en père névrosé et violent. L’acteur par excellence du classicisme Hollywoodien brise ainsi ses propres codes pour entrer dans la modernité. Aux côtés de la très plaisante Amy Irving, Andrew Stevens convainc moins dans la folie de son personnage surpuissant. C’est assez dommage, dans la mesure où toute l’intensité de la mise en scène de De Palma dans certaines séquences d’explosion de son pouvoir télékinésique (notamment une séquence impressionnante lors d’une foire) ne trouve pas d’écho dans le comédien, qu’on devrait normalement craindre.
Il est ainsi extrêmement difficile d’avoir un jugement précis sur Furie. Typiquement le film que nous avons envie d’aimer par ce qu’il propose au spectateur, tantôt de très prenant, tantôt de très innovant, on ne parvient pas à fermer les yeux sur un récit quelque peu laborieux et peu palpitant. On retiendra tout de même, au passage, une des meilleures compositions de John Williams, qui a parfaitement compris où il devait emmener sa musique. Terrassante, elle participe d’autant plus à la maestria de plusieurs scènes. Ne serait-ce que pour ces quelques éléments, Furie mérite un visionnage, surtout pour les amateurs de De Palma désirant compléter sa (brillante) carrière. L’histoire a voulu malheureusement qu’il se retrouve coincé entre Carrie au bal du Diable et Blow Out. Un film certes mineur, mais il faut dire qu’avec un tel auteur, on devient également très exigeant, même quand l’œuvre est loin d’être mauvaise, comme dans le cas présent.
La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/flashback-furie-de-brian-de-palma-1978