À l’heure où il faut se lever tôt, très tôt pour dénicher un blockbuster digne de ce nom, le retour de la saga Mad Max dans les salles obscures avait de quoi ranimer l’espoir : dans le sillage du mémorable Fury Road, nous pouvions toutefois craindre que, nos attentes accrues de la sorte, la magie n’opère pas ou moins. Mais en bon artisan créatif et visionnaire, George Miller ne nous aura pas déçu : s’il n’égale pas la vista sauvage et le rythme endiablé de son prédécesseur, Furiosa est bel et bien le grand spectacle que nous appelions de nos vœux.
Un grand spectacle malin comme impressionnant, réhaussé qu’il est de notre curiosité quant à la genèse de ladite Furiosa, de son enfance idyllique à son entrée au service d’Immortan Joe : un voyage que nous devinions parsemé d’embûches, assujetti à la loi du plus fort, à la morsure d’un désert absolu (ou presque) et le fracas d’escarmouches inexorables. Sans davantage tergiverser, promesse tenue donc dès son introduction de haute volée, la Terre Verte s’évanouissant derechef à la « faveur » d’un kidnapping annonciateur du pire : d’emblée impitoyable, le long-métrage fait sien avec habileté une recette connue mais toujours aussi savoureuse, de quoi nous ferrer au nez grandiloquent du non moins extravagant Dementus.
Dès lors, un postulat simple mais ô combien jubilatoire se profile : comment deux Seigneurs de guerre pareillement puissants pourront en découdre ? À travers (pour l’essentiel) les yeux d’une Furiosa ruminant sa vengeance, la rencontre entre les deux tyrans ne sera pas avare en répliques percutantes et démonstrations de force explosives. À rebours de Fury Road qui se contentait d’évoquer les arcanes d’un univers moins chaotique qu’escompté, Furiosa développe grandement le trio d’enjeux régissant pareil tableau : l’or bleu, l’or noir et le plomb, chacun étant symbolisé et contrôlé par une place forte dédiée.
Tête de proue de cette triade primordiale, Immortan Joe et ses lieutenants auront fort à faire face à un Dementus plus retors qu’escompté : par-delà la stature et les pitreries consommées, le bougre se révèlera « fin » tacticien pour s’immiscer dans le schéma de domination frappant la région. Certes au prix de quelques ficelles que nous lui pardonnerons volontiers, Furiosa brodera une intrigue plutôt aboutie et, surtout, équilibrée entre les grands enjeux des Seigneurs de guerre et ceux propres à Furiosa : d’un maître à l’autre, la ressortissante des Vuvalini va opérer une mue captivante, déjouant les pronostics les plus pessimistes pour servir sa cause… non sans tumultes.
Malgré une recette éculée, les convois du Praetorian Jack auront leur lot de batailles motorisées dantesques et de longue haleine, au cours desquelles notre héroïne en herbe verra son destin basculer. Le long-métrage nouera une belle relation entre les deux pilotes, à rebours d’une atmosphère globalement à couteaux tirés : avec une belle économie de dialogues et des jeux de regards en disant long, pareille « romance » s’avèrera d’autant plus remarquable qu’elle tranchera ainsi de mille feux avec le vacarme ambiant. L’occasion de souligner les belles performances d’Alyla Browne dans un premier temps, puis d’Anya Taylor-Joy dans un second, chacune contribuant à entériner passé, présent et futur d’un personnage ô combien captivant.
Reste que le tout dernier arc du film le sera moins : au terme d’un ellipse résumant en un tour de main quarante jours de guerre, Furiosa confrontera son rôle-titre à ses désirs et démons au gré d’une chasse à l’homme divertissante mais pas surprenante, si ce n’est en partie « sauvée » par les paroles cocassement juste d’un Dementus éloquent à sa manière. Dans la lignée d’un rythme parfois décousu, ou même d’une bande-originale bien moins impactante, ce nouveau cru de George Miller pourra (et devra) être nuancé à l’envie sans contrevenir au principal : nous aurons largement pris notre pied.