George Miller avait choisi de relever un défi assez complexe : un préquel se construit à rebours, à partir du point de jonction, qui dans ce cas ne pouvait être qu’un échec dans le parcours de Furiosa, cette dernière étant sous les ordres d’Immortan Joe au début de Fury Road. Dans ces conditions, un film est encore plus dans l’ombre de son prédécesseur qu’une suite.
Le film narre donc le kidnapping, l’endurcissement et la quête de vengeance — plus forte que celle de s’échapper — de la jeune Furiosa. Si on essaie de faire abstraction de son héritage, le film se défend plutôt bien. George Miller est un très bon conteur d’action, grâce à une maîtrise de la composition et du montage. Tout y est lisible, et malgré quelques longueurs, le film se regarde avec plaisir. Si ce dernier ne perd pas de temps à réintroduire La Citadelle et Immortant Joe, il développe des factions qu’on avait seulement aperçues, donnant une vision plus large du rapport de force du triangle.
Malgré tout le film pêche pour moi à deux endroits principaux. Côté scénario et rythme, Miller a voulu traiter trop de choses, avec 12 ans de vie qui s’accélèrent à coups de clips musicaux et trop de personnages, qui restent souvent superficielles. Cet aspect un peu en accordéon rend difficile un investissement émotionnel auprès de personnages dont on ne comprend pas les motivations ou les dynamiques relationnels. Leur apparition comme disparition à l’écran laisse un peu froid. Côté interprétation, ce manque de profondeur ne permet pas à Anya Taylor-Joy ou Chris Hemsworth de dégager une présence cohérente ou même de l’alchimie ; ce qui s’avère problématique dans une confrontation finale moins passionnante que la bataille de mi-parcours avec Octoboss.
Le film fait des efforts, mais est tout simplement en dessous de Fury Road sur trop de points, que ce soit techniques ou narratifs — même si je reconnais que les inondations massives des décors réels ont sûrement contraints le réalisateur à revoir à la baisse ses ambitions. On a perdu les contrastes de rythme et de plans, les punchlines, la musique épique et la chaleur du désert. Là où dans Fury Road, Max et Furiosa font preuve d’empathie et « partage l’écran » avec leurs alliés, ce qui enrichit le film et élargit le cadre, cette Furiosa n’est centrée que sur elle-même et Dementus, plus individualistes, plus mutiques — le film porte les mêmes œillères.
Furiosa, pourtant pas un mauvais film, se révèle écrasé par le poids de son aîné.