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Sentiment très mitigé après la découverte de ce prequel consacré à Furiosa, en particulier parce qu’il n’arrive pas à reproduire les miracles du précédent opus à l’écriture et à la mise en scène/direction artistique.

Côté écriture, on ne peut pas reprocher à Miller de faire toujours le même film et il a l’intelligence de ne pas rejouer la partition de Fury Road en proposant quelque chose de plus écrit et construit sur le temps long. De ce point de vue, il réussit à donner vie à l’univers esquissé dans le précédent opus tout en intégrant quelques nouveaux personnages et en racontant la mythologie Furiosa depuis son enfance jusqu’à son départ avec les épouses d’Immortan Joe.

Néanmoins, je ne comprends pas l’intérêt de raconter cette histoire pourtant si bien esquissée dans Fury Road. En quelques minutes de film, Miller avait réussi l’exploit d’iconiser un personnage nouveau grâce à quelques plans, quelques regards et à l’aura de Charlize Theron qui volait la vedette à Max, que le public était pourtant venu voir. Ensuite, quelques lignes de dialogues parfaitement distillées suffisaient à se faire une idée de l’ensemble de son passé, le caractère laconique des explications participant du mythe bien plus qu’une origin story fleuve. Avec le recul, je ne comprends les reproches faits au scénario de Fury Road qui était brillant dans le registre de l’écriture épurée. Ici, c’est simple, les 2h30 de film sont en grande partie des mises en images de ces quelques dialogues. On n’apprend rien, on n’ajoute rien, on n’enlève rien. On flatte le spectateur avec des clins d’œil très appuyés (comme la présence de Max, sur un plan large). Avec le recul, je ne comprends pas comment Miller a pu céder aux sirènes du prequel qui sont un fléau pour l’imagination hors-champ. Pourquoi vouloir tout raconter quand suggérer est plus efficace ? Reste le personnage de Dementus campé par Chris Hemsworth, qui apporte le seul récit nouveau de cet opus, personnage un peu pathétique aux antipodes d’Immortan Joe qui fonctionne plutôt bien en nouvelle itération du dirigeant auto-destructeur. L’équilibre entre les trois places fortes du wasteland est plutôt bien rendu et ces luttes de pouvoir, au milieu desquelles Furiosa évolue en électron libre, rendent le récit plutôt efficace une fois les 45 premières minutes passées.

Côté mise en scène, difficile de passer après Fury Road. Il y a dix ans, Miller avait brillamment trouvé l’équilibre entre cascades et CGI, permettant de donner une dimension épique à des choses réellement tournées et exécutées par des êtres humains. Le résultat était un incroyable mélange organique, métallique et poussiéreux ; un grand concert de vrombissements, coups de feu, explosions et tôles froissées dans un univers visuellement crédible. Dans Furiosa, c’est la douche froide dès les premières minutes tant le greenland originel de Furiosa est hideux ; à aucun moment on ne peut croire à la réalité de cet endroit. Ensuite, on alterne le chaud et le froid. Quelques séquences montrent tout le savoir faire de Miller sans pour autant chercher à copier ce qui s’est fait avant (on pense évidemment à l'abordage grandiose du war rig par les airs). Il y a encore des idées de cascades, de courses poursuites, de plans iconiques qui séduisent la rétine. Globalement, les outils à sa disposition sont maîtrisés. Malheureusement, l’enrobage s’avère beaucoup moins satisfaisant : cette fois, on voit beaucoup trop le CGI, les accélérations de l’image, la poussière a l’air fausse, il y a des chiens numériques, des décors nettement moins convaincants, une colorimétrie douteuse. Côté son, Junkie XL ne se foule pas et produit quelque chose de tiède, à des années lumières de la BO chaotique et rugissante du précédent épisode. Et que dire de cette fin, de ce raccord avec Fury Road allant jusqu’à en faire un résumé dans le générique… Ce faisant, Miller ne se rend pas service car en quelques images, la comparaison est clairement à l’avantage de son œuvre précédente.

Restent enfin les interprète qui sont largement au niveau même si, encore, la comparaison dessert certains d’entre eux. Anya Taylor Joy fait ce qu’elle peut pour incarner un personnage déjà habité par Charlize Theron, au risque de la singer un peu maladroitement ; le successeur de Hugh Keays-Byrne n'a pas le 10e de sa prestance dans la peau d’Immortan Joe. Pour jouer les nouveaux personnages, Chris Hemsworth cabotine mais réussit à donner à son personnage un air de loser pathétique qui contraste avec ce qu’on voit habituellement dans la saga, au volant de son char à motos (peut-être la meilleure idée d’objet de ce film, qui est moins généreux que son prédécesseur sur ce point) et accompagné d’un « homme-histoire » assez réussi ; le congénère de Furiosa (Pretorian Jack) manque en revanche cruellement d’envergure et de prestance. Ceux qui ont rempilé font tous le travail.

En définitive, il y a l’impression d’avoir vu un film solide, efficace, qui tente de renouveler une mythologie quitte à prendre des risques et à faire des déçus (qui sont visiblement peu nombreux au regard des critiques presses élogieuses et des retours moyens des spectateurs). Malheureusement, les deux aspects qui faisaient – selon moi – de Fury Road une immense réussite ont complètement disparu pour laisser la place à une narration et une direction artistiques qui me touche et m’intéressent moins. Un film à revoir avec moins d’attentes.


L9inhart
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le 22 mai 2024

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