Tank il y aura des hommes
Fury, c'est le petit nom d'un char Sherman pendant la campagne d'Allemagne en 1945. Un tank ce n'est pas qu'une arme de guerre motorisée, c'est aussi un microcosme au coeur de la bataille, un...
le 16 janv. 2015
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Elles sont belles affiches de Fury que l’on voit partout dans nos villes depuis quelques semaines ! C’est sûr, le département marketing à mieux travaillé que les producteurs et David Ayer.
En Avril 1945, l’armée américaine approche de Berlin. A la tête de cette ultime offensive, le Sherman des hommes usés de Don Collier a pour mission de dégager le passage.
La Seconde Guerre Mondiale selon Fury représente tout ce que l’on n’aimerait plus voir au cinéma, qui plus est américain. Alors que l’idée de base avait tout pour séduire avec une bande de crasseux enfermée dans un tank, les illusions se dissipent vite devant ce spectacle affligeant. Le premier problème vient de la morale abordée par le film, plus que douteuse. Au départ, Fury essaye de montrer l’horreur de la guerre en refusant de la banaliser. Le réalisateur décide alors de montrer des morts d’une extrême violence. Celle là devient même dérangeante, elle ne colle pas avec le ton abordé par le film. De toute manière, tel un doigt d’honneur à cette idée, il multiplie les trucs crades et le nombre de victimes qui va avec. Autant le premier soldat allemand éliminé de sang froid est un acte difficile à accomplir que les derniers se font découper à la mitrailleuse lourde comme des bots sur Call of Duty.
Parce que oui, les Allemands ne savent pas combattre. Voilà peut être pourquoi ils ont perdu la guerre me direz vous ! Selon des sources relativement sûres que l’on appelle notamment historiens, il devient douteux de croire que les nazis n’avaient absolument aucun sens tactique ni aucune logique. Quand on voit les soldats se battre à la baillonette contre des chars, ou s’obstiner à rater leur cible, on comprend vite que le film ne va pas bien loin dans l’authenticité. Mais le pire, ce sont les SS. Dans la catégorie des méchants, il sont au top, on peut donc les massacrer sans discernement tout en criant « troufions de schleus, aaaahhhh ». D’ailleurs, niveau stéréotypes, l’élite des forces allemandes est également au summum: les généraux sont toujours en grand uniforme tout propre (même dans les tanks), ils chantent gaiement sur le chemin de la guerre, ils chevauchent de blancs destriers et surtout ne parlent jamais. On s’en fout puisqu’on est là pour les occire !
Le film est censé se dérouler à un mois de la fin de la guerre. Pour autant, alors qu’à l’époque les Allemands étaient pratiquement en slip, Fury montre des ennemis plus frais que jamais et capables d’attaquer en bataillon de 500 un char d’assaut immobilisé. Cela dans une confusion totale, sans aucune organisation tels des Sioux armés d’un arc en bois et le zizi dans un bambou contre les cuirasses brillantes des colonisateurs européens. Die authentizität.
Comme la médiocrité n’a pas de fond, passons au scénario. Celui ci est tellement convenu qu’on a l’impression de l’avoir écrit soi-même: on sais quand ça va péter et ce que les acteurs vont dire. Zéro pointé sur le suspense et l’originalité… Pour bien nous prendre pour des niais, chaque scène censée nous émouvoir un minimum est bercée par une bande son où les violons sont de sortie. Sans cesse, on tente de nous arracher les larmes des yeux, de créer une empathie inexistante face à ce groupe de soldats caricatural. L’histoire du bleu qui rejoint la bande (rejeté puis accepté) mériterait d’être censurée tant c’est du déjà vu. Allez, on va quand même dire que Brad Pitt est au dessus du lot.
Dans un film de chars, le minimum est de réussir les scènes d’action. Rassurons nous, les rares bons moments du film sont sur le champ de bataille. Quelques moment épiques comme l’attaque d’un immense char allemand ou d’une ligne ennemie faite de redoutes sont plutôt sympa. En plus, les bruitages sont réussis, les obus fusent et ricochent dangereusement. Il y a une certaine esthétique marqué par les balles traçantes. Mais je crains fort que ce soit tout ce qu’il y a de positif dans Fury.
Je termine par la scène du grand n’importe quoi, le moment où on se dit qu’il n’y a plus aucune chance que le film soit bon. Dans une sorte de remake d’Un Menu Presque Parfait, Pitt et le bleu sont les convives de deux allemandes cachées dans un appartement. Pour l’entrée je mettrais un 5 parce que l’accueil était un peu froid mais quelques notes de musique ont suffit à réchauffer l’atmosphère de manière torride (« laissez donc les jeunes gens forniquer » selon les dires de Monsieur Pitt). D’un point de vue du repas, ce sera un 8 car cela fait toujours plaisir de recevoir des clopes et des œufs pour le déjeuner. Enfin, pour l’ambiance ce sera un 2 puisqu’un personnage particulièrement relou fout le bordel de manière inappropriée. Enfin, tout le monde a envie de pleurer à l’écoute d’une histoire rocambolesque de cheval mort.
Voilà un film comme on n’en fait plus depuis longtemps. Doté d’un gros potentiel, Fury est au final un film de guerre des plus lambda. Une sorte de jeu vidéo bête et méchant, sans aucune psychologie alors que c’est pourtant le nerf de la guerre. Que doivent penser les Cimino ? Coppola ? Ou même Spielberg devant un tel ramassis de stéréotypes ? Tout est crasseux dans ce film: les tankistes, la pluie, la boue, le scénario, les personnages. La postérité se souviendra des vrais héros de l’Histoire, pas de cette parodie américano-américaine qui aurait très bien pu s’appeler Expendables 1945.
Créée
le 29 oct. 2014
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