"Gabriel Over The White House" est un film profondément ancré dans son époque. Tourné en 1932, année de l'élection de Roosevelt, mais sortit en salle en 1933, le film ne se révèle pas être une oeuvre cinématographique importante d'un point de vue artistique. Mais est bien intéressant en dehors de ce circuit. En bien et en mal.
Car en effet, "Gabriel Over The White House" verra sa date de sortie déplacée afin de ne pas influencer les élections, Roosevelt se faisant élire en 1932. Roosevelt, quand on s'attarde sur le film, il faut reconnaître la grande place du bonhomme et de l'époque dans le film. Comme bien des œuvres ayant marqué le cinéma et l'histoire en général, le film qui nous intéresse ici fait figure de grand nom dans le genre. Impossible d'ignorer l'impact qu'il a sur le public américain, film parlant de l'Amérique, de son Président, de la crise que le pays connaissait, et de l'importance des Etats-Unis. Impossible du coup, d'oublier la période de sa sortie.
Reconnu comme le film de chevet de Roosevelt, l'importance du film est assez impressionnante de par ses propos (on nous montre les deux "facettes" d'un même président, et l'importance d'une telle place) et de ce que le film décide de mettre en avant, comme la crise et le nombre incroyable de chômeurs. "Gabriel Over The White House" est donc un film politique bien entendu, qui a pu (?) jouer une grande place dans les événements réels de son pays. Là où le film s'est vu déplacé sa date de sortie, il s'agirait aujourd'hui d'une sentence bien pire pour un film d'une aussi grosse proportion (pensons à "The Interview" en 2014).
Mais un film aussi grand de par ce qu'il montre et raconte, en son temps, miserait-il ailleurs pour assurer sa qualité ? D'un point de vue artistique, le film montre une réalisation très subtile. Quelques petites idées sont intéressantes (l'absence de musique lors de certaines scènes, pouvant guider nos sentiments, indique que le réalisateur Gregory La Cava voulait donner au spectateur une liberté totale de jugement sur les choix de ce président), et certains plans se révèlent étonnement élégants, contrastent avec une réalisation restant globalement simple, voir presque austère.
On sent que La Cava désirait éviter de sombrer dans la caricature ou la propagande, et on a ce sentiment d'avoir le droit total sur notre opinion. L'oeuvre, et l’œil du spectateur se retrouve totalment esclave de l'éthique du spectateur. Pour rapprocher le film d'une oeuvre plus connue, regardons "Cannibal Holocaust" de Ruggero Deodatto pour signaler vite fait que le degré d'appréciation du film est quasi régulée par l'éthique personnelle du spectateur (la maltraitance animale et ce que l'on en pense). C'est ici pareil, avec un point de vue politique.
Et il est dommage au final de voir l'oeuvre intéressante de ce point de vue là, mais manquant d'un quelque chose... attractif ? Artistique ? Au service de cela. A l'inverse de "Cannibal Holocaust", qui avec ses musiques joyeuses contrastant avec les images, malmène la perception du spectateur.
Pour revenir sur le film en lui-même, et brièvement, c'est globalement bien joué (quelques fulgurance de la part de l'acteur principal, Walter Huston) et j'ai pût découvrir l'acteur Franchot Tone, au jeu assez frais et au sourire rappelant Johnny Depp. A noter une violence et une envergure visuelle (je pense aux scènes d'action) assez étonnantes.
Quand on voit le passé du réalisateur (auteur de cartoons et de comédies à succès), on aurait pût s'attendre à une comédie satirique légèrement grinçante Mais il faut, toujours et toujours, replacer l'oeuvre dans contexte.. Ainsi, le film s'avère vraiment intéressant d'un point de vue historique. en temps qu'oeuvre cinématographique, cela reste une curiosité intéressante sur l'impact et le contexte d'un film. Mais c'est globalement tout. Certes, ça se suit sans déplaisir (le rythme est parfois presque bâtard), mais le film est surtout une curiosité historique. Pas un grand film, d'un point de vue artistique surtout, mais un objet culturel étonnant, dans ses propos et son actualité.