Si je ne me trompe pas, Gagarine est le premier long-métrage de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. C'est un film sur la vie dans les cités, mais un film assez différent des autres. Ici, pas question de montrer des jeunes qui ont sombré dans la délinquance et sont confrontés quotidiennement à des flics qui vont plus ou moins jouer aux cowboys selon le message que le réalisateur veut faire passer. Les deux cinéastes ont choisi un autre angle d'attaque, très inhabituel : celui d'adolescents rêveurs. Le personnage de Youri est passionné d'astronomie à sa petite échelle, et cherche par tous les moyens à ce que sa cité perdure mais surtout que ses habitants s'y sentent bien. On le voit tenter de réparer un ascenseur, dépanner des voisins avec un de ces amis, et cette ambiance solidaire qu'on voit peu au cinéma ne peut que mettre du baume au cœur.
Seulement voilà, il fallait un élément perturbateur pour dénoncer une réalité sociale bien réelle : les bâtiments ne sont pas aux normes et une démolition et prévue, avec un relogement des habitants qui vont perdre de ce fait les liens qu'ils ont tissé entre eux au fil des ans et de ces années de débrouille.
Je trouve le film assez gracieux dans ce qu'il tente de faire. J'ai vu La Haine de Kassovitz il y a assez peu de temps, et ses mouvement de caméra tape-à-l’œil qui sont plus de l'esbroufe qu'autre chose. Ici, le temps est suspendu pendant quelques plans tout le long du film (et surtout le dernier quart d'heure du film que je trouve magique) et c'est fait avec bon goût. Un lever de soleil filmé dans un angle incongru, le reflet des nuages sur les vitres d'un immeuble, ou encore une caméra qui tourbillonne autour de nos personnages en train de danser. Il ne s'agit pas là de rendre des HLM artificiellement beaux puisqu'ils ne sont pas sans défauts à l'écran mais de capturer la beauté qui peut exister malgré tout en ces lieux aussi délabrés soient-ils, et ce que peuvent ressentir les personnages lorsqu'ils vivent de beaux moments entre eux.
Je trouve néanmoins que la place du trio principal est répartie de façon assez bancale dans le film, l'un des trois amis étant remplacé par un autre personnage interprété par Finnegan Oldfield qui ne sonne pas juste même s'il fait au mieux avec ce qu'il a.
On a quand même Lyna Khoudri qui est tout simplement solaire dans ce film et dont le personnage va amener des réflexions pertinentes de la part des personnages. Est-ce qu'ils ont envie de vivre ici jusqu'à leur mort ? Comment voient-ils leur avenir ? Peuvent-ils vivre des moments de lâcher-prise comme tous les autres dans un environnement inhospitalier comme celui-ci ? Ce sont des questions que les réalisateurs vont effleurer avec douceur plutôt que d'y répondre brutalement, mais ça fait parfois du bien.
On pourrait trouver le film naïf ou trop biaisé, mais on a vu tellement de films qui ont un point de vue radicalement opposé sur les banlieues que je ne peux que saluer cette initiative de mettre en avant les jeunes qui, dans un système qui les a complètement lâché, tentent d'améliorer les choses avec leurs moyens.