Martin Scorcese n'était en 2002 pas à son coup d'essai en terme de films historiques. Il nous avait déjà livré le superbe "Age of Innocence". Sauf que celui-ci se déroulait dans une bourgeoisie qui s'enlise. "Gangs of New York" est en presque la contraposée, s'attachant aux conditions des quartiers populaires au milieu du 19ème siècle.
Racisme contre les Noirs fraichement affranchis ou les immigrés arrivant par milliers, violence et crimes omniprésents, main-mise des chefs de bandes et des politiciens pourris : le tableau n'est guère flatteur ! Scorcese semble s'attacher à démontrer que les Etats-Unis, et New York en particulier, se sont davantage construit dans le sang que la sueur...
Et pour avancer ses idées, il apporte des moyens conséquents. La reconstitution du New York populaire de l'époque est en effet très impressionnante. Qu'il s'agisse des costumes, accessoires, décors urbains dantesques construits pour l'occasion (tournage à la Cinecitta). Ou de l'énorme travail sur les accents. Les relents de tonalités irlandaises permettant d'identifier qui est qui, tandis que les coach vocaux ont du imaginer les accents "américains" de l'époque pour les "natifs".
Le scénario du film est peut-être moins convaincant, avec une histoire de vengeance traditionnelle, à laquelle on s'attache peu. La faute à l'exécution express du personnage de Liam Neeson (qui a du s'éclater à lâcher les chevaux sur l'accent irlandais...), peu après son introduction et celle de son fils. On comprend donc mal les motivations derrière la vengeance du personnage de Leonardo DiCaprio, si ce n'est sur le principe.
Le comédien est néanmoins très en forme, et il n'est guère étonnant qu'il deviendra ensuite le nouvel acteur fétiche de Martin Scorcese. Il est tout de même intéressant de le voir tel un Lorenzaccio, un jeune homme qui infiltre sa cible pour l'atteindre, mais se corrompt au passage.
A côté, si Cameron Diaz est convaincante, son personnage n'a rien de novateur. Tandis que Daniel Day-Lewis campe à merveille un boucher haut-en-couleurs, cruel mais ayant un sens de l'honneur. Pour l'anecdote, le rôle devait être confié à Robert De Niro, avant que des retards de production ne le conduisent à quitter le projet.
Si son scénario l'empêche d'être la fresque historique époque qu'il semble vouloir atteindre, "Gangs of New York" n'en demeure pas moins une œuvre ambitieuse et politiquement chargée, qui se termine
de manière pour le moins inattendue : la petite histoire s'efface devant la grande, les rixes de gangsters restent insignifiantes face à de grands événements comme les émeutes de la circonscription.