On est un peu désappointé de se dire que ce premier film de Nicolas Maury, drôlement intitulé « Garçon chiffon », aurait certainement pu être beaucoup mieux voire excellent sans les défauts inhérents à certaines premières œuvres. D’abord - et il est clair que ceux qui n’aimeront pas ce film assez particulier qui ne parlera pas à tout le monde ne manqueront pas de le faire remarquer - il y a trop de Maury dans ce film de Maury. Cela signifie que même s’il est certainement en partie autobiographique, il y a un côté trop nombriliste, égocentrique même, qui va déplaire car il est un peu trop flagrant et poussif. Maury a écrit le film, le réalise, le produit et s’offre le rôle principal en étant de tous les plans. Soit, ce n’est pas le premier à procéder de la sorte. Mais la manière dont cela est exécuté ici pourra irriter, surtout si on n’est pas fan du personnage et de son univers singulier. Ensuite, et cela peut en être un corolaire, le long-métrage est bien trop long. L’acteur et réalisateur n’a pas su couper et se réfréner et cela se sent au montage. Notamment dans la partie chez sa mère et vers la fin où ça traine un peu en longueur et où on aurait largement pu couper quinze minutes. Pas mal de scènes ou plans ralentissent en effet le film et ne lui apporte pas grand-chose (plans fixes sur lui-même à profusion, la partie avec les bonnes sœurs ou encore celle de son audition). Savoir choisir, trier et jeter dans tout ce qu’on filme est aussi un gage de réussite. Ici, cela ralentit le rythme et nous fait décrocher sporadiquement. Enfin, son « Garçon chiffon » est très référencé et on ne parvient pas tout à fait à déceler un univers propre chez Maury, en tout cas pour le moment. On est davantage face à un hybride entre ceux de Xavier Dolan (à qui il emprunte Nathalie Baye dans un rôle jumeau de celui qu’elle tenait dans le sublime film du québécois, « Juste la fin du monde ») et de Christophe Honoré. Pas une impression de déjà-vu pour autant mais rien d’innovant et on pense souvent à ces deux cinéastes à la vision du film.
Il n’empêche, « Garçon chiffon » est plaisant et majoritairement réussi en dépit de ces scories. Surtout lors de la première partie où les séquences drôles et cocasses s’enchaînent sans discontinuer avec un humour particulier et fin qui colle parfaitement à Maury. Les apparitions de Laure Calamy ou Jean-Marc Barr sont piquantes et mémorables tout comme la scène inaugurale lors de la réunion des jaloux anonymes. Le film débute donc sur les chapeaux de roue et on prend plaisir à suivre les pérégrinations de ce jaloux compulsif. Les dialogues sont très bien écrits et délivrent parfois de belles vérités sur la vie et l’existence. De plus, Maury soigne sa mise en scène en évitant de justesse le côté parisien bobo de certains films d’auteur maniérés, une réalisation qui colle adéquatement au sujet. Le thème de la jalousie est bien traité et il fait plaisir de revoir Arnaud Valois après sa révélation dans « 120 battements par minute » il y a trois ans. Leurs scènes de ménage et de couple sont à la fois attendrissantes et loufoques mais nous font bien souvent rire ou sourire. In fine, on trouvera le personnage/alter-ego de Maury, Jérémy, attachant tout autant qu’agaçant. Si la partie dans la maison d’enfance avec Nathalie Baye est plus longuette et moins captivante, elle n’en recèle pas moins de jolis moments intimes et des scènes mémorables (le flashback du travestissement enfant). On est entre la comédie existentielle et intello farfelue et le portrait tout en profondeur d’un jeune homme et d’une pathologie qui le ruine. Un film entre rires et douceur dans un équilibre parfaitement tenu où se diffusent mélancolie et fantaisie. Et c’est assez particulier et maîtrisé pour y trouver son compte et attendre la suite des aventures cinématographiques de monsieur Maury.
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