Ah, moi je l'aime bien ce petit polar que je connais depuis fort longtemps …
D'abord c'est un film avec des camions … J'aime les films qui ont ce personnage muet mais bruyant, pas très rapide mais puissant : le camion. En d'autres circonstances, le job de routier ne m'aurait pas forcément déplu … Bref, inutile de regretter, on ne peut pas se refaire …
D'ailleurs, une idée qui me traverse l'esprit, ce serait de bâtir une liste de ces films-là. Entre "Convoy" ou "le salaire de la peur" (pas encore fait la critique), "Cent mille dollars au soleil" ou "La menace" ou "des gens sans importance" (critiques déjà faites) et tant d'autres, j'aurais de quoi faire …
"Gas-oil" donc, est un film dont le scénario est tiré d'un roman Série Noire (Gallimard) que je n'ai jamais réussi à trouver ! … Il raconte les mésaventures d'un chauffeur routier – auvergnat – qui se trouve impliqué, à son corps défendant, dans une histoire avec des voyous parisiens … Et quand le torchon va sérieusement brûler, il va pouvoir compter sur l'aide de ses collègues pour se rebiffer contre ces malfaisants. Un peu comme dans les futurs films "La menace" de Corneau ou "Convoy" de Peckimpah ci-dessus nommés … La légendaire solidarité des camionneurs …
Le film est très bien construit dans le grand style du polar. Au début, il ne se passe rien. Au contraire, on assiste au réveil laborieux de Gabin à 4 heures du mat. Puis on assiste à une lente montée en puissance jusqu'à la situation paroxystique : eh oui, les moteurs diesel ont du couple mais l'inertie du camion est telle que la vitesse ne peut pas monter si vite … Mais quand le camion a atteint sa vitesse de croisière, l'inertie est toujours là mais joue en sens inverse : attention à ce qui se trouve devant …
Le casting est bien servi par des dialogues (finement) ciselés par Michel Audiard.
Parlant des traites de son camion, Gabin énonce froidement "ça revient plus cher qu'une femme du monde mais c'est quand même moins emmerdant"
Je m'abstiendrai d'en citer une très border line aujourd'hui (même si je l'aime bien) pour ne me risquer que sur la réplique assez célèbre : "je suis beau même dans le noir"
Parlons du casting où Jean Gabin est le routier sur qui arrivent tous ces problèmes. Mais il est très bien secondé par sa copine Jeanne Moreau dans un beau rôle d'institutrice qu'on voit faire faire une dictée, impensable aujourd'hui, sauf à mettre zéro à la plupart des élèves.
Un surprenant Marcel Bozzuffi pour une fois pas dans un rôle de malfrat mais de collègue de Jean Gabin.
Robert Dalban dans le rôle d'un affréteur et puis l'inénarrable Marcel Pérès ici en coiffeur … Les gueules des années 50, quoi.
Côté malfrats, Ginette Leclerc dans un rôle, cette fois habituel, de salope même si elle joue les veuves éplorées, Roger Hanin en chef de bande.
Au final, c'est un film que j'aime bien en dépit d'un certain nombre de péchés véniels comme la musique vraiment pas terrible (peut-être d'époque), l'intrigue policière un peu poussive mais finalement sans importance. Oui, mais la photographie rend bien les paysages du Puy de Dôme et notamment de la campagne autour du château de Murol. Et aussi l'ambiance fraternelle des routiers (autour d'un civet, par exemple) est tellement sympathique qu'elle emporte mon adhésion.