En 1954, François Truffaut dénonçait à travers son article « Une certaine tendance du cinéma français », une catégorie de films labélisés « Qualité française ». Il s’agissait d’œuvres académiques tournées en studio, très scénarisées et sans grande inventivité filmique. Soixante ans après, on pourrait reprendre cette appellation en l’adaptant à l’air du temps, et dont « Gemma Bovery » est l’un des plus beaux fleurons.
Car depuis une bonne décennie, s’enchaînent des sorties cinématographiques de films tous calibrés à l’identique (pitch simpliste de comédie agrémenté de drame(s), états d’âmes petits bourgeois, casting bétonné (souvent les mêmes acteurs) et peu inspiré, mise en scène plan plan et linéaire, décors naturels passe partout). On pense aux récents « On a failli être amies » et « La liste de mes envies » ou encore à « Le grand méchant loup », « Amitiés sincères »… en 2013. La cible (au niveau du public) est aisée à cerner, il suffit de regarder la composition des salles : public familial et plus de 50 ans). Films réputés, par excellence, pour être diffusés un dimanche soir, à l’heure de forte écoute, sur l’une ou l’autre des grandes chaînes de TV. On se dit toutefois, malgré le piètre niveau de cette production, qu’au moins elle doit être rentable. Hors en se penchant sur les recettes d’exploitation en salle des quatre exemples cités, on se rend compte qu’excepté « Amitiés sincères », les autres films ne couvrent pas le coût du budget (68% pour « On a failli être amies », 52% pour « La liste de mes envies », 33% pour « Le grand méchant loup ». On se dit alors, que si le public « cinéma » ne suit pas, peut-on encore qualifier ces productions de films ? Ou ne sont-ce que des produits marketing qui entre droits télévisuels, VOD et autre merchandising trouvent une rentabilité qui dépasse le seul cadre du plaisir du spectateur ?
Pour en revenir à « Gemma Bovery » (il faut bien en parler un peu !), séance de 20h en première semaine un dimanche, la salle était vide ! Logique, car si le pitch était intéressant (bande-annonce trompeuse notamment) il est au final très mal exploité voir improbable de bout en bout. En ce sens, Anne Fontaine vient contrarier Flaubert qui nous disait, « le mot ne manque jamais quand on possède l’idée ». Quant aux acteurs, ils restent au minimum de leurs capacités (Luchini hébété et totalement en retrait, Gemma Aterton filmée en unique objet de sensualité, Elsa Zylberstein ridicule en grande bourgeoise parvenue…). Quant à la mise en scène, elle ne dépasse guère son cadre et ne décolle pas, bien au contraire. Elle s’enlise sur la base de ce scénario totalement dénué de sens, pire, jamais drôle… Restent quelques beaux plans (le travail du pain), le plaisir de retrouver l’incroyable Edith Scob (A quand un nouveau vrai grand rôle ???), et l’inénarrable décor de la Normandie, bien mal desservie ici.